vendredi 28 juin 2019

Qu'étiez-vous avant de "naître" ? (extrait)



Maharaj : Comprenez donc que ce que vous êtes, tant que le corps est là, est cette présence consciente. Une fois votre corps disparu, et avec lui le souffle vital, la conscience aussi s’en ira. Seul ce qui existait avant l’apparition de ce corps-avec-conscience, l’Absolu, le présent-à-jamais, est votre véritable identité. C’est cela que nous sommes tous réellement. C’est cela la réalité. Elle est ici et maintenant. Où est-il question de quelqu’un atteignant cette réalité ?
Qu’étiez-vous avant votre « naissance » ? Dans cet état, y avait-il le moindre besoin, le moindre manque, le moindre désir – y compris l’aspiration à la réalité, ou à la liberté, ou à être libéré ? En fait, c’est cela votre état originel, votre état ou nature véritable – un état de complétude, de divinité, de présence absolue et d’absence relative. La conscience, ou le sens d’être, ou l’Etre, est une réflexion de cet état, mais la réflexion du soleil n’est pas le soleil. Cette Présence Consciente, voilà ce que vous êtes, et non le corps qui ne constitue qu’une résidence de la conscience dans sa manifestation. Lorsque le corps « meurt », la conscience est libérée du corps et vous n’êtes même plus présence consciente, car alors il n’y a plus aucune présence relative. Vous êtes alors dans la Conscience Absolue originelle. Absence relative signifie Présence Absolue, sans conscience d’être présent.
Le désir de liberté, qui naît dans le cœur du chercheur au début du chemin, disparaît peu à peu lorsque celui-ci réalise qu’il est lui-même ce qu’il cherchait. La persistance de ce désir implique deux « blocs ». Tout d’abord, cela présuppose l’existence et la continuité d’une entité désirant la « liberté », alors qu’il ne peut être question de liberté pour un objet manifesté puisqu’un objet ne possède aucune existence en propre. En second lieu, ce désire repose sur le désir de se saisir intellectuellement de la réalité ; cela signifie essayer de capturer le non-connu et non-connaissable au sein des paramètres du connu ! Cela ne se peut.
Question : Quelle sâdhana pratiquer, alors ?
M : Là encore, pratiquer une sâdhana signifie présumer de l’existence d’un fantôme. Qui va pratiquer la sâdhana, et dans quel but ? Ne suffit-il pas, devant le faux, de voir sa nature de faux ? L’entité que vous pensez être est factice, est le faux. Vous êtes la réalité.
Une fois que l’on a compris, ou plutôt a-perçu, intuitivement, que l’entité ne constitue qu’une notion conceptuelle, ce qu’il reste est tout simplement une ré-intégration – Yoga – dans l’universalité. Il ne reste rien à accomplir parce qu’il n’y a personne pour le faire et, plus important encore, personne non plus pour s’abstenir de le faire ! Ce qu’il reste, c’est « être vécu » de façon purement non-volitive, parce que relativement nous ne sommes que des marionnettes dans un monde-rêve, des marionnettes mises en mouvement dans le rêve originel. C’est au rêveur individuel de se réveiller de son rêve personnel. Et cette aperception elle-même constitue l’éveil !
Ramesh Balsekar, Les Orients de l'être, Ed. du Relié

vendredi 21 juin 2019

Entretien du 21 juin 1981 (Conscience et Absolu)


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Maharaj : Toute image que vous avez de vous est fausse. Demeurez dans votre Soi, c’est la vraie connaissance. Essayez de comprendre toute cette connaissance que vous recueillez en ce moment. La soi-disant connaissance que vous glanez ailleurs ne s’occupe que de l’ignorance ; elle n’atteint pas le Soi, la vraie connaissance. Tout ce à quoi le mental aspire n’est pas la vraie connaissance. On ne peut pas facilement comprendre la vraie connaissance. Si j’avais eu l’expérience du « Je suis » auparavant, est-ce que j’aurais eu le désir d’entrer dans le sein de ma mère ? Avant d’entrer dans la matrice maternelle je ne me connaissais pas, il n’y avait pas « d’être moi ». Toute la soi-disant connaissance est corrompue par les mots, ce n’est que de l’ignorance. Vous, l’Absolu, vous observez l’état d’éveil, vous savez ce qu’est la conscience, ce qu’est l’état de sommeil ; donc vous n’êtes pas ça.
Des millions de gens ont passé, où pourrais-je être parmi eux ? Il n’y a aucune individualité reliée à aucune de ces formes, mais j’ai toujours été, et je suis toujours, le fonctionnement total. Sans moi, il n’y a pas de fonctionnement. Je suis le fonctionnement total, à chaque instant, il y a des millions d’années aussi bien que maintenant.
J’ai une vision claire de ce qui précède, et pourtant il faut accepter la souffrance physique, à cause de la conscience. La conscience a pour nom souffrance. Cette vie de souffrance touche à sa fin. Ce principe, quel qu’il soit, fait l’expérience de toutes les souffrances, quand il est mis avec le corps et la conscience ; en même temps, il sait qu’il vaut des millions de dollars, comme un tonneau d’or. Ce principe, qui a compris et qui a saisi ce que la souffrance et la conscience sont, vaut des millions. Je ne m’occupe pas de la spiritualité des masses. Ici, on ne va pas vous déverser la spiritualité du commun. Ce Vous Ultime ne peut jamais être perdu ; tout ce que vous avez pu perdre n’est que des mots. Ce Vous Ultime se sait et se sent être « Je suis » sans aucun mot. Ce « Je suis » amène la connaissance du monde. Vous n’êtes pas seul, vous faites partie intégrante de la connaissance du monde. 
Le Jivatman(soi individuel) s’identifie au corps-esprit en tant qu’individu séparé du monde. L’Atman (le Soi) est seulement l’être, ou la conscience, qui est le monde. Le Principe Ultime qui connaît cet étant ne peut pas être nommé du tout. On ne peut pas l’approcher ou le conditionner avec des mots. C’est l’Etat Ultime.
Je ne veux pas de disciples soumis et humbles, je les veux forts, comme moi. Je ne produis pas des disciples, je produis des Gurus.
Je veux que votre remise en question personnelle soit radicale, totale, sans conditions.

Question : Comment me stabiliser dans ma prise de conscience ?
M : Vous savez que vous êtes. Ceci est en soi la prise de conscience. Si vous pensez que vous devez être conscient, vous entrez dans l’état d’expérience. Vous voulez faire l’expérience de quelque chose. Ne considérez pas votre corps-esprit comme étant vous. L’identification au corps-esprit, ça va pour la vie de tous les jours, mais quand vous devez vous comprendre, il ne faut pas comprendre qu’on est le corps-esprit. Vous avez la connaissance du « Je suis ». Cela en soi signifie que vous êtes.
La prise de conscience, c’est cet état où la conscience s’enfonce en elle-même.
Ce corps est l’expression du produit de la nourriture consommée. La matière est consommée sous forme de nourriture, et voilà le résultat. S’il y a de moins en moins de nourriture, le corps s’amaigrit, s’étiole. Vous n’êtes pas ça, votre image est autre. (Montrant le corps : ) ce n’est qu’une boîte à mangeaille. Pourquoi cette figure maigre ? Parce que l’apport de nourriture est réduit. Le corps-nourriture, vous n’êtes pas ça. L’état d’éveil, vous n’êtes pas ça. L’état de sommeil profond, vous n’êtes pas ça. Vous connaissez l’état d’éveil. Puisque vous connaissez l’état d’éveil, vous n’êtes pas l’état d’éveil. Vous connaissez l’état de sommeil profond, vous n’êtes donc pas l’état de sommeil profond. 
Q : Je n’y comprends rien, je suis perdu.
M : Ce « vous » Ultime ne peut jamais être perdu. Tout ce que vous avez perdu, ce ne sont que des mots. Qui vous a dit que vous étiez perdu ? Vous savez que vous êtes, « Je suis ».
Dès que le sentiment « Je suis » apparaît, le monde aussi apparaît. « Vous êtes » n’est pas seul, dans l’isolement. Vous êtes une part intégrale de la connaissance du monde.
Dans la hiérarchie de la conscience il y a trois étapes : 
  1. Jivatman, c’est celui qui s’identifie au corps-esprit. Celui qui pense je suis un corps, une personne, un individu différent du monde. Il s’exclut et s’isole du monde comme une personne séparée, à cause de l’identification au corps et à l’esprit.
  2. Vient ensuite l’être, ou la conscience, qui est le monde. « Je suis » signifie mon monde entier. Juste l’être et le monde. En même temps que l’être le monde est ressenti – c’est Atman.
  3. Le Principe Ultime, qui sait que l’être ne peut avoir de nom. Aucun mot ne peut l’approcher ou le déterminer. C’est l’état Ultime.
J’explique cette hiérarchie avec des mots de tous les jours, par exemple : j’ai un petit fils (ça c’est jivatma). J’ai un fils, et je suis le grand-père. Le fils et le petit fils sont issus du grand-père. 
Ces trois étapes, on ne peut pas les appeler de la connaissance. Le terme connaissance s’applique au niveau de l’être. Je vous ai transmis l’essence de mes enseignements.
A quoi êtes-vous identifié maintenant ? Vous êtes venu au monde avec quelle identité ? Vous voudriez quitter ce monde avec quelle identité ? Normalement les gens s’accrochent à l’identité corporelle, mais je l’ai jetée par-dessus bord – vous n’êtes pas le corps. Je vous demande : « Vous êtes quoi ? Quelle peut être votre identité, maintenant que vous n’êtes pas le corps ? ». Vous pouvez répondre ce que vous voulez, les mots seront toujours incorrects, ils seront faux.
Vous vous accrochez avec l’énergie du désespoir au corps-esprit, comme étant vous. Vous devez avoir la conviction inébranlable que vous n’êtes pas le corps-esprit, que vous n’êtes même pas la conscience dans l’être.
Faites une expérience sur vous. Vous observez un bâton ; est-ce que vous dites au bâton : « Je suis en train de t’observer » ?
Quand on est tout seul avec soi-même, rien n’est utile, aucun entretien n’est utile. Quand on se fond dans son identité véritable rien n’a plus d’importance, parce que rien n’est. Quand le « Je » s’affaisse, il ne reste plus que la prise de conscience directe.


Extrait de Conscience et Absolu, Editions Les Deux Océans 1997

vendredi 14 juin 2019

Entretien du 18 juin 1981 (Conscience et Absolu)


Maharaj : Les gens viennent ici parce qu’ils en ressentent le besoin. La conscience dans votre corps prend plaisir à venir ici. Tant que la conscience ressent un besoin quelconque, vous n’avez pas d’autre choix que de le satisfaire. Quand la conscience n’est plus, c’est la fin de la servitude.
A part ce sens d’être présent, qui est dû à la conscience, quoi d’autre ?  Le bonheur véritable, sans sa contrepartie de souffrance ne peut être que lorsque la conscience n’est plus. Tant que la conscience est, bonheur et malheur vont de pair. La pure félicité ne peut être que quand la conscience n’est plus là. Tout ce qu’on peut percevoir, est totalement différent dece que je suis [Moi, Absolu] J’ai compris ma vraie nature et je suis elle ; ça n’a rien à voir avec quoi que ce soit dans le domaine du manifesté. 
Vous ne pouvez pas vous séparer de la conscience, à moins que, la conscience ne soit satisfaite de vous, et se débarrasse de vous. La conscience vous ouvre la porte pour aller au-delà de la conscience. 
Il y a deux aspects : l’un est la conscience conceptuelle, dynamique, pleine de concepts.
L’autre, est la conscience transcendante. Même le concept « Je suis » n’est pas à ce niveau. 
LeBrahmanconceptuel, qualitatif, celui qui est plein de concepts et de qualités, est le résultat du fonctionnement du corps. Cette conscience est morte dans mon cas ; elle n’est plus. Je l’ai transcendée. Tout ce qui peut rester, c’est cette autre conscience, la conscience sans concepts.
Le principe du conceptuel, le principe plein de qualités, je l’ai transcendé ; il était comme un océan immense. Maintenant il est presque asséché, il n’en reste plus que la lie. Ce qui est partout et qui règne est sans concepts ni qualité. Ce qui subsiste est en train de vous parler, maintenant. Qui parle de naissance ou de mort pour ce principe qui subsiste ? Vous, avec votre sagesse, vous êtes englués ici. Si vous étiez sans concepts, quelle raison auriez-vous de venir ici ? 
Vous vous penchez seulement sur les concepts qui viennent de votre intérieur. Les concepts que vous n’aimez pas ne vous viennent pas à l’esprit.  Si vous n’aimez pas les mathématiques, vous n’allez pas vous y intéresser ; ça reste étranger à votre conceptualisation. Vous allez vous occuper seulement des sujets ou des matières que vous aimez. Analysez vos pensées et dites-moi si ce n’est pas vrai.
Découvrez la nature de vos pensées, sont-elles spirituelles ?
Je demeure là où l’esprit (le mental) n’est pas.

Extrait de Conscience et Absolu, Editions Les Deux Océans 1997

vendredi 7 juin 2019

Entretien du 16 juin 1981 (Conscience et Absolu)




Maharaj : Chacun fait son travail personnel, mais chacun a sa qualité propre.
Voici quelques épreuves pour savoir si vous êtes oui ou non sur la voie spirituelle. Analysez ce à quoi vous pensez pendant une journée de vingt quatre heures. Vous dites que vous avez la connaissance du Soi, que vous avez rassemblé cette connaissance du Soi ; mais de quoi discutez vous à l’intérieur, dans votre flot mental, toute la journée ? Vous discutez de toutes vos affaires quotidiennes. Vous ne parlez pas de ce qui se passe ici, de votre identité, de ce que vous êtes ; ça, vous n’en discutez-pas. Y a-t-il quelqu’un ici qui, seul avec lui-même, ne se préoccupe que du Soi ? Vous êtes ce qu’est la qualité et l’intensité de votre pensée.
Moi aussi je suis agité. Ma douleur et ma misère en ce moment, personne d’autre dans le monde n’en fait l’expérience à ma place. Ces entretiens ne sont pas pour tout le monde.
Au-delà de l’expérience basée sur le corps-esprit il n’y a pas d’expérience de conscience. Je voudrais parler de cet état au-delà de la conscience. Il y a des millions de noms, mais ils se réfèrent tous au monde objectif. Même le titre de « parents » fait référence à des corps ; c’es parce qu’il y a des corps qu’il y a ce titre de « parents ». Je veux que vous compreniez clairement que sans la conscience basée sur le corps il n’y a pas de Brahman ; le Brahman est parce que la conscience est, et la conscience est parce que le corps est. La conscience basée sur le corps est le résultat des cinq éléments. Cette conscience et le monde ne sont pas différents ; ils sont identiques. Réfléchissez à tout cela dans ce sens.
Tout ce qui est saisi par l’esprit et l’intellect fait partie de ce monde objectif. Vous avez entendu ce que j’ai dit, mais vous êtes totalement influencés par vos expériences conceptuelles.
Ce corps est fait de nourriture, mais quelle est votre identité véritable ? Le corps est complètement ajusté, comme les grains que vous avez stockés sont complètement ajustés. C’est seulement de la nourriture. C’est le corps-nourriture et la conscience. L’Absolu est votre identité véritable. Je vous ai donné quelques indications sur l’Absolu. Vous n’avez pas dépassé la conscience, et la conscience est la première étape. La conscience totale n’est pas la fin.  
Extrait de Conscience et Absolu, Editions Les Deux Océans 1997