Visiteur : Lorsque vous commencez à vous unir à la conscience des autres il y a une surcharge émotionnelle parce que vous ressentez leur chagrin et tout le reste. Est-ce un état transitoire ?
Maharaj : C’est un des états préliminaires, mais c’est excellent. Il demeure une « séparativité », mais graduellement cet état mûrira et s’ouvrira sur une unité complète.
V : Je n’éprouve plus aucun désir, aucune envie de faire un effort pour obtenir quoi que ce soit.
M : Il n’y a aucun mal à cela. Votre faim et soif de plénitude et joie sont complètement satisfaites et donc vous cessez de vouloir autre chose.
V : Va-t-il demeurer une personnalité à même de remplir mes obligations quotidiennes ?
M : Bien sûr. Cette évolution ne doit pas devenir une source d’inquiétude ou de peur. Il se trouve simplement que vous ne vous souvenez plus de ce « je » individuel. Il continue néanmoins à agir en utilisant ses propres ressources d’énergie. Il existe une mémoire qui est celle de l’ensemble de la manifestation, mais aucune de l’activité d’un individu.
V : J’ai le sentiment d’être un avec la conscience, mais c’est fluctuant.
M : Vous ne vous êtes pas encore stabilisé au sein de la conscience, vous en avez seulement de brefs aperçus. Etre un avec la conscience, c’est être au-delà des états de veille et de sommeil. Vous connaissez le ciel, vous connaissez l’espace, mais vous ne pouvez pas vous unir à l’espace… pas encore, ce n’est pas possible. Quand la conscience et vous ne ferez plus qu’un, vous ne ferez plus qu’un avec l’espace.
V : Puis-je faire quelque chose pour grandir, pour m’aider à progresser ?
M : La conscience ne peut faire aucun progrès. Même l’espace ne peut pas progresser et l’espace est numéro trois.
L’Absolu est un, la conscience est deux, trois est l’espace. Le numéro un est là où n’existe aucun sentiment « Je Suis ». Plus tard il y a le constat « Je Suis », qui est numéro deux, puis l’espace, le numéro trois.
Faites passer un examen aux Upanishads, vous donnent-elles la révélation de Soi ?
V : Non… malgré tout elles donnent quelque chose.
M : Dans mon cas tout est spontané, voilà mon dharma. Si des érudits viennent me dire que je perds la tête je leur dirai « Cette folie est ma richesse, ma liberté. Ce savoir qui s’était posé sur moi, c’est cela qui est folie ! »
Vous êtes une femme gracieuse, délicate, si quelqu’un vient vous parler brutalement, vous considérant comme un homme, cette méprise vous mettra en colère. De même, vous identifier à quelque chose – « Je suis comme ceci… » – est faire injure à votre nature originelle.
V : Comment perdre cette identification au corps ?
M : Développez la certitude d’être la conscience sans forme. Affirmez avec conviction « Je suis l’ensemble de la manifestation, la conscience universelle ». Personne ne peut avoir connaissance de la vérité, connaissance de l’Eternel. Il y a un état de réalité éternelle, mais c’est un état qui ne peut être connu, il est intouchable. La soi-disant connaissance, elle, il y en a tant qu’on en veut au niveau des attributs et des qualités, au niveau « Je suis » !
Dans ce corps est « Je suis » et il peut être connu. Quand ce corps tombera inanimé, ce savoir « Je suis » s’arrêtera lànmais ce qui demeurera sera l’Absolu.
Extrait de A la Source de la Conscience, Editions Les Deux Océans, 1991