samedi 17 septembre 2016

Sri Siddharameshwar Maharaj (1888-1936)


Voici un texte très intéressant du maître de Nisargadatta 
tiré d'un satsang du 28 novembre 1928

Tout ce qui est perçu par l'intermédiaire du mental et de l'intellect doit être vaincu et dépassé. Etant le produit de notre propre concept, le monde matériel doit être transcendé. Il ne restera plus alors que la pure conscience. La conscience même est née de l'ignorance. C'est à cause de l'ignorance que nous sommes "conscient" ! Vidya-maya [illusion ou voile de la connaissance-conscience], une impulsion spontanée, donne naissance à un concept qui est au début sous une forme latente [subtile]. Au moment où ce concept revêt une forme plus grossière, ou forme objective, la vidya-maya se transforme en avidya-maya [dualité : illusion ou voile de l'ignorance ou conscience objective] laquelle donne naissance à la connaissance objective.

La pureté est un état au sein duquel il n'existe aucune trace du sentiment "je suis le corps". Votre identification au corps n'aurait jamais eu lieu si l'intelligence ne s'était associée au corps physique. Donc, débarrassez-vous des pensées qui concernent votre corps et de l'idée que vous êtes ce corps. Alors la pure connaissance de votre Soi [Atman] brillera dans toute sa splendeur, et vous-même en serez le témoin. Sakshi, le témoin, ou spectateur, signifie : celui qui possède l'œil de la véritable connaissance de Soi.

Quel que soit l'état dans lequel se trouve votre corps : l'état de veille, du sommeil ou du rêve, le Soi demeure inchangé. À l'état de veille, l'âme du mortel est appelée vaishva-bhimani atman : le Soi qui est conditionné par le monde et qui en retire l'orgueil du "je". Dans l'état de rêve, l'âme est appelée tejas, ou Soi lumineux. Comme la connaissance objective persiste dans turiya, le quatrième état, ce dernier n'est pas la véritable connaissance non plus. Au sortir du sommeil profond, vous devenez conscient de vous-même en tant que "je suis", cette conscience est naturelle, spontanée et varie d'intensité selon les personnes. C'est ainsi qu'il vous arrive parfois de ne pas savoir où vous êtes quand vous vous réveillez. Mais presque aussitôt vous êtes conscient de vous-même dans le sens profane de : "Je suis un tel, une telle." On appelle cette conscience d'être quelque chose ou quelqu'un : connaissance individuelle. Quand vous vous réveillez et que vous oubliez Paramatman [l'Atman suprême ou âme universelle.], vous descendez du plus haut niveau de la conscience, c'est à dire du sat-chit-ananda [existence-conscience-félicité ], au niveau le plus bas. La descente est naturelle et inévitable ; elle se produit pour toutes les créatures [jiva]. La conscience limitée par le corps est appelée Atman.

Dès que l'identification au corps est abandonnée, la conscience est Parabrahman ; vous êtes transfiguré, vous devenez le suprême, l'absolu, celui qui est au-delà de Brahman. En clair, dès que cesse l'identification au corps, l'atman qui était limité par le corps est transfiguré en Parabrahman. Tout ce qui est vu ou ressenti est tangible, éphémère et imprégné de souffrance. Cela signifie que tout ce qui est expérimenté par les dix sens, le mental et l'intellect, n'est pas vous ; ce n'est pas réel. Le Soi est le témoin de tout ce qui est vu par le mental, l'intellect etc. L'état dans lequel on ressent : "Je suis le témoin, l'observateur", est appelé turiya, le quatrième état. La dualité existe toujours dans cet état où l'observateur et la chose observée sont tous deux présents, ce qui implique donc la dualité. L'observateur n'est encore qu'une idée, un concept. Cet état n'est donc pas celui de la véritable connaissance puisque la dualité est toujours là. La connaissance véritable est atteinte dans l'état d'unité totale, lequel n'inclut rien qui serait "autre". La conscience est altérée alors que Paramatman est non altéré et rien ne l‘affecte.

Quand le Paramatman pur se transforme en un "je" particulier imprégné d'ego et que l'on échoue à comprendre que le monde matériel dans sa totalité, est illusoire, alors l'ego persiste, et l'on reprendra naissance. L'ego est responsable de votre naissance, c'est lui, le "je", qui prend naissance. Vous prenez un corps et le cycle du désir et de la peur, du "je" et du "mien" recommence. Bien que le corps soit impur, Rama le Seigneur réside en lui, car il est omniprésent ; il se trouve donc aussi dans l'impur [c'est le corps plein de désirs et de peurs que l'on appelle ici "impur"]. Vous ne trouverez la paix et n'atteindrez la connaissance qu'une fois débarrassé du désir et de la peur. Autrefois, à l'automne de leur vie, les gens se retiraient de l'activité du monde profane et s'isolaient dans la forêt pour trouver la paix. Isolez-vous avant qu'il ne soit trop tard, avant que la conscience en vous ne fasse le saut final ! L'aspirant doit toujours rester centré sur sa recherche, garder en lui l'étincelle vivante qui suffira à embraser le feu de la connaissance. La connaissance : "Je suis Brahman" peut être atteinte, mais comment ? Méditez sur : "Comment être Brahman ?" Si vous y réfléchissez profondément, ce que vous trouverez sera vous-même, votre Soi. C'est un exercice qui vous sera grandement bénéfique. Le fait que vous vous soyez oublié est l'obstacle que vous devez surmonter par la réflexion et la méditation ; la connaissance s'ensuivra automatiquement.

Maintenant vous êtes transformé, le changement s'est opéré pour durer car vous êtes uni à jamais au Soi. Le mental n'existe que lorsqu'il y a changement, altération. Sans changement, pas de mental, ou plutôt, pas de mouvement, ou séparation, dans le mental. La connaissance est atteinte lorsque l'on a exploré et compris l'origine des êtres animés et inanimés. Elle est atteinte parce qu'en effet, cette origine réside dans la connaissance même. La connaissance est l'origine du monde, c'est une évidence en soi qui n'a besoin d'aucune preuve extérieure, mais vous ne pouvez l'acquérir que lorsque vous vous immergez totalement dans l'état naturel.
L'état naturel est le summum
Méditation et pratique viennent ensuite,
Vaine est l'adoration de l'idole et
Le pèlerinage est ce qu'il y a de plus bas.
Quand vous atteignez la connaissance, vous transcendez l'espace. Semblablement, une fois retrouvée l'origine, à la fois de l'être animé et de l'être inanimé, vous dépassez les limites de l'espace, vous n'êtes plus limité. Vous comprenez alors la nature de votre Soi, car vous-même possédez la forme de la connaissance du Soi. C'est grâce au Soi que vous pouvez connaître et différencier l'animé de l'inanimé. "Dieu m'est redevable, à moi le Soi, de sa nature divine qui est ma propre expression. La pluie tient aussi sa propriété intrinsèque de moi, le Soi." Il est aussi ce qui anime le corps ; si votre jambe peut se mouvoir, c'est grâce à lui. Ainsi, le Soi est le tout puissant, il est Dieu. Celui en qui le Soi demeure, est investi du pouvoir absolu de qualifier et de mesurer tout ce qu'il perçoit. Il ne tient qu'à lui également de considérer ce qu'il voit comme vrai ou faux. S'il se concentre sur ce qui est irréel, il en sera profondément affecté, car le monde illusoire revêt un masque de Réalité, mais si au contraire, il se concentre sur ce qui est vrai, il se focalisera automatiquement sur le tout-puissant sans même le savoir et le rencontrera inévitablement.
Le tout-puissant demeure à l'intérieur
Si vous le cherchez ailleurs
Vous vous trompez de chemin
Vous vous égarez, dit Dnyanadeva
Il demeure dans le cœur de chacun, il est en tous. La vénération des idoles n'est un réconfort que pour l'ignorant. La plupart des aspirants s'en remettent à la méditation mais celui qui est mûr plonge sans hésitation en lui-même. Immergé dans son état naturel du "je suis", il demeure à jamais dans la félicité ! Le pèlerinage n'est qu'une consolation pour le pauvre des pauvres. Vénérer les idoles, c'est arracher la fleur vivante pour l'offrir à une image inerte ! Vous vénérez l'idole du seigneur Satya-Narayana [dieu créateur] mais vous ne comprenez pas qu'elle est irréelle, car l'idole est périssable. Le pèlerin est comme la rivière qui s'éloigne de sa source et se perd à jamais. La rivière coule à flots pour se perdre dans l'océan, son eau douce devient alors saumâtre et elle disparaît sans laisser trace. Si comme la rivière vous vous éloignez de votre état originel dans la recherche effrénée de la gratification de vos désirs, vous serez emporté et voué à la ruine. Quand vous retournez à votre origine, la connaissance que vous atteignez est la véritable connaissance du Brahman. Pour acquérir cette dernière, vous devez tout d'abord abandonner toutes les mauvaises habitudes et les tendances que vous avez accumulées aux pieds du maître. Vous les verrez alors s'étioler pour disparaître. Mais vous ne voulez pas vous connaître ! Vous n'essayez jamais de vous voir, vous voulez voir le monde phénoménal [jagat]. Jagat signifie aussi ce qui est terminé, passé. Arrêtez de revenir sans cesse sur le passé. Vous êtes tellement occupés à regarder le monde et à revivre le passé que vous en oubliez totalement le présent. Concentrez-vous sur le présent, c'est tout ce qui importe. Tournez le dos au passé et n'anticipez pas plus le futur . Vous n'avez prise ni sur le passé ni sur le futur.

Les Pandavas et leurs cousins les Kauravas se disputaient la couronne. Une profonde animosité régnait entre eux. À dessein les Kauravas entraînèrent leurs cousins dans l'enceinte d'une maison qu'ils incendièrent. Les Pandavas ne durent leur salut qu'à l'habileté de l'un des leurs, Bhimasena, le fils du vent [vayu]. Comme les Pandavas, vous avez été entraîné dans l'illusion du monde et vous êtes piégé dans ses labyrinthes. Hanté par le passé ou dans la crainte du futur, vous vous retrouvez prisonnier des filets de l'illusion. S'échapper étant impossible, vous êtes condamnés à mourir. Votre seul recours maintenant c'est le maître, il est le rédempteur. Ses seuls conseils vous mettent hors de danger.

La compréhension de Soi-même rend omniscient et Éternel. Alors seulement, on connaît la création de l'univers, son équilibre et sa destruction. Nous comprenons le tout, car nous sommes la connaissance même. Nous observons que nous sommes la manifestation de la connaissance. Quand notre être profond, notre existence, brille de la connaissance, notre suffisance vole en éclats. Le sens aigu de notre importance est réduit à néant.

Au temple nous tournons autour de la statue de Shiva [le dieu de la destruction et de la dissolution] dans l'intention de plaire à la déité et de nous élever jusqu'à elle pour parvenir à l'état de Shiva. Dans le sens des aiguilles d'une montre, nous faisons tout d'abord la moitié d'un tour, puis nous revenons sur nos pas jusqu'à notre position initiale, puis nous reprenons dans le même sens jusqu'à ce que l'autre moitié soit parcourue. Enfin, nous revenons encore à la position initiale. Ceci est bien entendu symbolique : parcourir la moitié d'un cercle dans le sens des aiguilles d'une montre signifie œuvrer dans le but d'atteindre la connaissance. Mais au final, cette connaissance aussi doit être éliminée de manière à ce que l'ego ne puisse pas resurgir, voilà la signification du parcours de la deuxième moitié dans le sens inverse. Le tour complet de Dieu signifie que la créature mortelle est transfigurée en Shiva immortel.

Dans la pratique, le maître explique tout, mais vous devez vous abandonner à lui. Acceptez et pratiquez ce qu'il vous dit, la connaissance de Soi s'ensuivra automatiquement. Cette connaissance possèdera encore malgré tout des réminiscences d'ego qu'il conviendra d'éliminer complètement. Seulement ceci une fois accomplit, vous êtes transfiguré en Shiva, l'immortel.

Le soleil ne sait pas quelle heure il est, si c'est le matin, l'après-midi ou le soir, il ne sait même pas ce qu'est un jour. C'est nous qui l'avons décidé, de plus nous l'avons déterminé en fonction de notre tête ! Midi est le moment de la journée où le soleil est juste au-dessus d‘elle. Mais le soleil n'est pas limité par le temps, tout comme le Brahman [l'Absolu immuable et Éternel] n'est pas limité par l'espace. Le Brahman ne peut être défini en termes d'espace, il n'appartient à aucun lieu en particulier, il est omniprésent. Il est plus petit que la plus petite des choses et plus grand que la plus grande ! Il est parfait et se suffit à lui-même, mais ce que vous êtes réellement est antérieur à Brahman et le dépasse infiniment.

"La créature mortelle qui appartient au monde est une partie de moi, le Soi immortel." [Bhagavad Gîta] "C'est parce que je suis, que le mortel existe, il m'est redevable, à moi, le Soi, de tous ses pouvoirs." L'impulsion de son pouvoir limité vient du pouvoir illimité du Soi. D'où la mangue tient-elle ce goût si suave si ce n'est du Soi ? Dès que vous comprenez et expérimentez que vous êtes le Soi, le sentiment d'être ceci ou cela s'évanouit totalement. Le Soi est altéré lorsqu'il revêt la forme mortelle. Les premiers pas sur le chemin spirituel débutent par la répétition du Naam mantra que donne le maître. Au sens littéral, naam signifie : je [l'ego] ne suis pas. Le maître nous donne un mantra tout en nous expliquant : "Je n'existe pas." De cette source jaillira la Vérité Ultime.

L'origine des Écritures sacrées des Védas n'est pas humaine ; elles ont été directement révélées par l'Être suprême, Brahman. On les appelle Shruti : "Ce qui est entendu." Sarasvati est la déesse de l'apprentissage du savoir, elle est la mère des Veda. C'est pour cela qu'on lui rend grâce avant d'entamer toute étude spirituelle. Vous devez lui rendre hommage en la vénérant pour bien entamer votre étude, car rappelez-vous que ce qui est bien commencé est déjà à moitié accompli ! Vénérez, en vous transformant vous-même en l'objet de votre vénération. Y a-t-il meilleure façon de vénérer la mère des Védas que d'écouter et d'entendre la parole du maître ?

Grâce est enfin rendue à Sarasvati, la déesse de la connaissance, lorsque le disciple ayant atteint la réalisation de Soi, commence lui-même à dispenser cette connaissance. Mais pour cela, il doit d'abord avoir entendu et mis en pratique l'enseignement du maître. C'est la seule façon d'apprendre que le seul et unique embrasse l'univers entier. Qui est le véritable dévot de la déesse Sarasvati ? C'est celui qui est tout ouïe, totalement absorbé dans l'écoute du sermon. Ce qui est entendu ne s'enracinera en lui que de cette façon. Le maître n'est satisfait que lorsque vous mettez en pratique ce qu'il vous a enseigné.

Les quatre corps [manifestations] du maître que le disciple perçoit et expérimente sont les suivants : Le premier est le corps physique visible du maître, le deuxième corps est l'expérience et les fruits que le disciple retire de la pratique de la méditation du mantra. Le troisième est la capacité à voir par lui-même si les signes de ce qu'il a acquis, alors que l'enseignement du maître grandit en lui, coïncident avec ceux du maître. Le quatrième corps du maître est la connaissance qu'acquiert enfin le disciple. Le maître est le seul qui peut l'aider à traverser et à surmonter les deux phases de la vie : celle du monde et celle du chemin spirituel. Votre unique refuge est aux pieds du maître, il est votre base. Le mantra et son enseignement sont les véritables "pieds du maître". Dans le monde spirituel, seules existent deux entités : le maître, qui est la connaissance incarnée et le disciple, qui, étant aveugle et ignorant, ne peut agir que sur les indications du maître. Le maître l'élève jusqu'à lui en l'aidant à assimiler la connaissance qu'il dispense. On doit donc écouter la parole spirituelle, méditer et réaliser l'unité avec le Soi. Tout ceci est dit dans le but d'inciter l'être ignorant à emprunter le chemin du disciple.

Ne dites pas : "Je suis le corps", mais dites plutôt : "Je vis dans le corps." Le propos de cet exposé est d'aider l'ignorant qui pense : "Je suis le corps", à se libérer. Bien que vous soyez le Soi, vous persistez à croire que vous êtes cette petite créature, d'où l'émergence de la conscience du corps. C'est pour vous convaincre que vous n'êtes pas seulement un corps, que je vous parle et je vous conseille, la connaissance du Soi m'inspire à vous délivrer ce message.

Si le Soi n'illumine pas l'intelligence de l'homme, ce dernier reste dans l'ignorance. D'abord, la conscience interne prend forme, et c'est ensuite que l'impulsion de la parole surgit. Cette conscience interne est la fontaine de la connaissance. L'impulsion première de la parole y demeure sous une forme subtile, ensuite elle surgit du nombril pour se manifester. Un concept jaillit dans la conscience et l'impulsion de la parole, issue de l'état latent, assume maintenant une forme plus définie. Puis elle progresse vers le cœur et sa forme se précise, mais elle n'est toutefois pas encore audible. À ce stade on l'appelle Pashyanti [un son qui se développe en direction du visible]. Au stade suivant, le concept se transforme en conviction, et parallèlement la parole s'élève jusque dans la gorge et le son devient audible mais pas encore articulé. Ce murmure est nommé Madhyama. C'est l'articulation ténue du concept. Tandis que la conviction prend forme et se manifeste, le monde illusoire surgit simultanément. Maintenant la parole atteint les lèvres, elle est entièrement formée et son expression parfaitement audible. À ce stade, elle est Vaikhari.

Le véritable dévot est celui qui s'immerge totalement en Dieu, la séparation entre le "je" et le "vous" est illusion. Si vous rencontrez le guide qui vous dévoile la nature éphémère et futile du désir pour les choses du monde, vous réaliserez que l'existence mondaine est sans valeur. Vous serez alors détaché. Qu'est-ce que le détachement ? C'est le sentiment que tout, du plus insignifiant comme une brindille d'herbe par exemple, jusqu'au créateur lui-même, le seigneur Brahma, est irréel.

Vénérez le Soi comme la femme dévouée vénère son mari. Ne vénérez rien ni personne d'autre ou cela vous conduira à l'infidélité et votre vénération sera feinte. Le septique se demande toujours comment le divin Brahman pourrait-il être identique à l'individu limité et mortel. L'ignorant en proie à ces doutes finit par conclure qu'il est impossible que le Brahman s'avilisse en devenant une créature mortelle. Pour corriger cette notion erronée, vous devez écouter attentivement la parole spirituelle et y réfléchir profondément. Votre intérêt pour la parole du maître doit être si intense que cela en devient une obsession et votre pratique doit également être soutenue. C'est alors seulement que l'expérience suivra. Le maître opère un changement radical, une transformation incroyable de notre condition misérable de mortel [jiva] en Shiva immortel. Il nous élève à un état supérieur. Comme vous avez oublié votre véritable nature, vous êtes affligé d'une maladie : la maladie de l'existence mondaine.

Il y existe deux obstacles majeurs à votre progrès spirituel : le premier est la notion d'impossibilité : "Je ne peux pas être le tout puissant, c'est impossible, il est impensable que je puisse être le Soi !" Le deuxième, est l'idée bien ancrée de croire que l'on est le corps : "Comment est-ce possible que tout d'un coup je ne sois plus le corps ?"

Pour vous aider à atteindre l'océan de félicité et à vous immerger en lui, le maître a élaboré une méthode en trois phases :
- Pramata [l'aspirant, le sujet connaissant] : celui qui cherche une preuve.
- Prameya [l'objet de connaissance, la théorie] : l'hypothèse : "Je suis Parabrahman" qui doit être prouvée par la réalisation de Soi.
- Pramana [la preuve] : Vous devez ici vous défaire des deux phases précédentes qui, à ce stade sont devenues illusoires. La seule méthode à suivre pour obtenir une preuve consiste à écouter la parole spirituelle et à la méditer profondément jusqu'à l'obsession. Être obsédé par sa recherche est le signe d'un désir intense d'atteindre la Réalité finale.

Répétez : "Je ne suis pas le corps" des centaines de fois ! La répétition d'un acte de nombreuses fois finit par le rendre naturel car, comme vous le savez, l'habitude est une seconde nature. Vous serez alors totalement possédé par le désir intense de l'expérience directe ; d'expérimenter le Soi par vous-même. Quand l'obsession pour le Soi est telle, l'expérience est certaine de se produire, vous avez alors accès à la perception "directe".

Pourtant, vous êtes dévoré par l'inquiétude et le tourment qui vous harcèlent sans relâche, et ceci pour la seule raison que vous vous êtes identifié au corps. Les cinq éléments qui constituent le corps ont aliéné le Soi ; ils doivent donc être maîtrisés. Laissez le sentiment : "Je ne suis pas le corps" grandir en vous. Avant de manger un fruit vous le pelez, c'est l'intérieur que vous consommez, mais quand il s'agit du fruit de l'homme vous ignorez totalement son cœur pour ne vous concentrer que sur l'apparence extérieure, le corps grossier.

Abandonnez l'orgueil que vous nourrissez pour ce corps et cherchez qui vous êtes avec détermination et persévérance en éliminant au passage tout ce que vous n'êtes pas. Votre mental et vos désirs font obstacle à la recherche de votre nature véritable. Le mental n'est qu'une accumulation de mémoire des expériences passées et de désir, lequel consiste à entretenir leur souvenir dans l'espoir d'en jouir encore et toujours. Pour vous libérer du mental vous devez le réorienter vers le Soi, en détournant votre attention des désirs. Quand le but du mental est pur, il devient pur lui-même. C'est le seul remède pour se libérer du mental. Vous n'atteignez le détachement que lorsque votre attitude est ferme envers les désirs et que votre attention est réorientée du désir vers le Soi.

C'est seulement lorsque vous vivez dans la constante félicité du Soi que plaisirs et douleurs ne vous affectent plus. Lorsque l'on dit que le seigneur Rama prend forme dans la matrice de sa mère Kaushalya [la dextérité], cela signifie que Rama, le Soi, s'épanouit en ceux qui écoutent attentivement les conseils du maître et les appliquent avec justesse et dextérité à la réalisation de Soi.

Alors que les objets excitent les sens, l'Atman [le Soi] pressent que le plaisir est dans leur sillage. S'étant oublié lui-même, il est stimulé dans leur poursuite par le désir de les posséder. Le Soi, qui par nature est pur, se cristallise en concepts et convictions qui le rendent impur, il prend alors forme mentale. Ces désirs ne sont que concepts conçus par le Soi via le mental. Ainsi le mental et les pensées qu'il produit ne sont que le Soi. Ayant produit ces pensées, le Soi se lance à leur poursuite.

Le Soi est appelé pur avant que les concepts ne surgissent, mais dès qu'un concept jaillit, on l'appelle "mental". Puisque les "dix sens" sont à l'origine de cette déviation du Soi, ils doivent être vaincus, et pour cela vous devez être le seigneur Rama, le vainqueur de Ravana, le monstre à dix têtes [les dix sens]. [Dans l'épopée du Ramayana, le démon à dix têtes Ravana ne peut être vaincu par les armes, car si l'une de ses têtes est coupée elle repousse aussitôt. Seule la compréhension que le démon n'existe pas peut le vaincre.] Le Seigneur Rama est omniprésent, il embrasse l'univers entier, il est le tout-puissant, l'origine même de tous les pouvoirs. Il prédomine parmi les dieux, il est Atmaram, celui qui se réjouit en lui-même, le Soi. De lui s'élève le pouvoir imaginatif qui prend spontanément la forme de concepts qui, à leur tour, vont le distraire et le divertir. Son attention est alors captivée par ces concepts et détournée de lui-même. Aussitôt son attention divertie, les concepts se précipitent, et d'Atmaram il devient l'Atman, altéré, absorbé dans le processus conceptuel. Ces concepts prolifèrent et enveloppent le Soi pour finir par le recouvrir ; le Soi est alors défini comme "mental". Les concepts ayant une forme précise, le monde illusoire est né. Ainsi, le monde perçu et vécu par l'ignorant n'est autre que l'extension de l'imagination projetée par le Soi. C'est une illusion, un simple vagabondage du Soi, rien de plus.

Au cours du processus de développement du mental, le Soi commence à imaginer les sens et, peu à peu, ces fantasmes se cristallisent en convictions. Maintenant, seul un grand bouleversement pourra rétablir le Soi et permettre de passer au crible du discernement sa production fantasque. Ce grand bouleversement est appelé "éveil", ce qui signifie se rappeler de Soi-même. Ainsi, celui qui comprend que le monde est illusion est le conquérant du monde. Il est Dieu, le tout-puissant, le vainqueur, ou tout autre nom que vous choisissez de lui donner.

Dans les Purana [textes mythologiques], le mental est symbolisé par le personnage de Narada, un grand sage, dévot de Vishnu. Il provoquait habilement toutes sortes de situations pour convaincre l'homme de prendre le chemin de la dévotion, les aidant ainsi à atteindre la réalisation de Soi. C'est par un manque singulier de discernement que le Soi se tourne vers le royaume des concepts. Des ondes de concepts s'élèvent alors en Lui et c'est ainsi que naissent les désirs. Tandis que nous sommes concentrés sur la gratification de ces désirs, vague après vague les concepts surgissent et nous noient dans l'illusion. Donc le Soi est limpide et paisible lorsqu'il n'est pas altéré ni obscurci par les effluves des concepts que l'on appelle mental ; l'atman altéré est le mental.

Pourquoi vénérons-nous l'idole ? Elle ne possède, en fait, rien de particulier, tout ce qui la constitue n'est qu'apparence extérieure, l'intérieur est vide. De la même façon il n'y a rien à l'intérieur de votre intériorité, qui en d'autres termes, est parfaitement paisible. Vous êtes Dieu. Maintenez-vous en cette paix intérieure, ne permettez pas qu'elle soit troublée. Une idole brisée, ou seulement abîmée, ne peut être vénérée. Il y a une cassure dans l'état naturel et la paix profonde est altérée, vous ne pouvez donc plus être considéré comme Dieu.

Quand vous vous concentrez sur votre but, qui est le Soi, et que votre mental est fixé sur le mantra donné par le maître, vous êtes transfiguré en Lakshman, le bien-aimé du seigneur Vishnu, le Soi. Lakshman est la combinaison de Laksha, le but, et de manas, le mental. Restez tel que vous êtes dans votre état naturel, non troublé par les pensées, c'est l'état de samadhi. "Abandonne tout devoir et dédie ton être à moi seul" dit le seigneur Krishna dans la Bhagavad Gîta [chap. 18 verset 66]. En abandonnant tout, c'est à dire les pensées, tu médites sur moi, reste là, alors, tu es celui qui fait son véritable devoir.

Maintenant que la connaissance du Soi vous a été donnée et que les saints vous assurent de la réalisation, il ne tient plus qu'à vous de passer à la pratique. Laquelle est nécessaire pour que cette connaissance du Soi s‘enracine. Il faut donc tout d'abord, développer son intérêt pour le discours spirituel, se prendre de passion pour l'écoute de la parole du maître.

Il y a trois étapes à franchir sur le chemin de la non-dualité du Brahman :
- Je suis le Brahman : l'homme ordinaire est le Brahman même.
- Tout est le Brahman : toute la création est véritablement le Brahman.
- Il n'y a que le Brahman : le Brahman est en tout et partout, rien n'existe à part lui. Lui seul est.

Parallèlement le discernement s'exerce sur trois phases :
- Discerner le Soi de l'illusion
- Discerner l'Éternel du temporel
- Discerner l'essence première de la non-essence

Que veut-on dire par "essence première" ? Il s'agit du Brahman, la connaissance non altérée par les concepts, alors que par "non-essence" on entend l'atman étroitement associée aux concepts, cependant, l'atman lui-même est un concept, car dire : "Je suis l'atman" est encore un concept. Ainsi l'atman n'est pas réel car il est lié au corps. C'est seulement en comprenant que vous n'êtes pas le corps que vous êtes transfiguré en l'Éternelle Réalité, la Vérité Ultime, le Paramatman.

Vous devez être très attentif lorsque vous écoutez l'enseignement sur le Soi, attentif au point d'être totalement captivé, absorbé en lui. Quand vous vous perdez en lui vous devenez le Brahman. L'étude des Écritures est vaine si vous ne reconnaissez pas que vous n'êtes pas le corps, que vous êtes autre que lui. Votre pratique consiste à suivre les indications établies par les saints. Ce que l'on entend par "rester en compagnie du maître" c'est d'être dans le souvenir constant de sa parole, puis de la mettre en pratique.

Ecoutez attentivement la philosophie du Vedanta, comprenez-la bien et mettez-la en pratique ; l‘expérience ne manquera pas de s‘ensuivre. Les trois expériences : l'expérience décrite par le maître, celle décrite par les Écritures et enfin votre propre expérience, doivent concorder.

Toutes les Écritures s'accordent à dire que le péché c'est de s'identifier au corps, de dire : "Je suis le corps." Elles concourent toutes à détruire la perception de la dualité. La dualité fait apparaître uniquement tout ce qui n'est pas le Soi. Et ce qui est autre que le Soi n'est qu'un tourment sans fin, un cortège de misères et de souffrances. La connaissance de Soi a été négligée depuis si longtemps qu'elle a été oubliée. Cette connaissance doit être recherchée, puis une fois acquise, il faut l'établir fermement en soi et la consolider par une constante réflexion. Toute tendance négative doit être débusquée, analysée et rejetée tandis que les qualités positives seront cultivées. L'attention au discours spirituel, la contemplation profonde et soutenue des préceptes qui en découlent et la détermination à suivre les conseils du maître, conduiront à la perception directe, à l'expérience divine. Cela qui ne peut être perçu doit devenir notre but, notre méditation. C'est cela la concentration, dhyana. Acceptez : "Je suis sans attribut et sans forme", réfléchissez-y constamment, retournez-le dans tous les sens jusqu'à ce que cela devienne une conviction [dharana]. Immergez-vous en elle, c'est cela le véritable sens de la méditation. C'est à cette condition seulement que l'on réalise ce qui est au-delà du royaume des mots. Le mental et l'intellect sont des obstacles à la réalisation de Soi. Le Soi demeure au-delà mais tout près du domaine mental.
Aux pieds d'Atmaram se trouvent tous les lieux sacrés
Il est éternellement présent dans le battement de ton cœur
Mais hélas ! Si tu le cherches et le pries ailleurs
Tu te perdras en chemin, dit Dnyanadeva
Atmaram, le seigneur de la connaissance réside dans votre cœur. Ceux qui vont de pèlerinage en pèlerinage ne le connaissent pas, ils sont maudits par ces lieux saints mêmes qu'ils hantent. En clair, ils n'atteindront jamais l'illumination. La seule Vérité dans ce monde, c'est la Réalité Finale. Vous ne dites la Vérité que lorsque vous parlez du Soi, la Vérité Éternelle. Les Écritures disent que la Vérité ne consiste pas à affirmer des faits. Elles disent également qu'elle réside juste derrière les limites du mental et de l'intellect.

Quelle que soit la Vérité que vous croyez énoncer, ce que vous dites est faux et voué à l'échec parce que soumis aux cinq éléments, le corps grossier. Celui-ci est corrompu par les désirs et ne peut donc être vrai. En fait, vous ne pourrez atteindre la Vérité que si vous abandonnez le corps grossier.

Avoir une forte aspiration pour la Vérité est certainement bénéfique, il s'agit du premier pas vers la réalisation de Soi. La puissance de la concordance des trois données que sont l'être humain, l'aspiration propice et l'enseignement d'un véritable maître, manifeste un phénomène que l'on appelle le seigneur des trois mondes. Vous atteignez le royaume divin par la simple obéissance aux préceptes du maître, ou plutôt, en vous immergeant dans sa parole et en laissant de coté tous les plaisirs des sens.

Les Écritures précisent que pour s'unir au Soi, il faut éliminer la conscience altérée, c'est à dire la conscience individuelle [chitta]. Le mot "éliminer" a été mal compris, car on le prend généralement dans le sens d'une opposition à la conscience individuelle [virodha]. L'opposition ayant remplacé l'élimination explique pourquoi l'élimination de la conscience individuelle [nirodha] a été placée dans un contexte de lutte. Ce contexte a mené à la création des pratiques d'austérité [le jeûne par exemple] et des pratiques physiques telles que les exercices de respiration ou la rétention des sens, lesquelles ont pour résultat de faire perdre de vue le but, l'unification au Soi. Pour le réaliser on doit tout d'abord comprendre ce qu'est le mental. C'est à cause de l'ignorance que les concepts s'élèvent dans l'Atman, faisant de lui le mental. Les concepts se déploient sur l'Atman, à la façon dont les vagues se déroulent à la surface de l'océan. Celui qui se perd dans l'observation des vagues est piégé dans sa propre contemplation et oublie l'océan. Les concepts s'élèvent parce que l'on échoue à discerner le mental de l'Atman, lequel devient alors comme invisible. Le mental est, en fait, une partie de l'Atman. Votre attention est constamment rivée sur les concepts et donc sur le mental mais si vous vous concentrez sur l'Atman, vous vous immergez en lui.

Maintenant, voyons ce que signifie l'élimination du mental. Dès que vous commencez à vous concentrer sur l'Atman, vous vous immergez en lui, les concepts n'apparaissent plus et ils sont étouffés ; c‘est de cette façon que l‘on élimine le mental. Quand il disparaît, vous êtes uni au Soi. Le but est atteint. En fait c'est l'harmonie avec le Brahman qui doit être réalisée et cela, par l'élimination de toutes les pensées.

On ne doit pas s'opposer activement aux pensées. Par l'opposition [virodha], on ne fait que renforcer notre concentration sur elles, et dès qu'il y a une faille dans notre opposition, elles resurgissent avec une vigueur décuplée. Ainsi, soyez celui qui regarde passivement et concentrez-vous sur le Soi ; les pensées mourront alors petit à petit. Vous êtes serein désormais sans irruption de concepts en vous. C'est cela l'élimination, nirodha. Les concepts ne décroissent pour disparaître complètement que quand la relation du mental [qui est un subalterne] avec l'Atman est comprise.


Le mental a leurré plus d'un être formidable
Mais il est un serviteur pour le maître qui a atteint la Réalité.

vendredi 24 juin 2016

JE SUIS pour les vacances

Malgré l'absence de version ebook pour le volumineux "JE SUIS", il existe une version pdf gratuite de l'intégralité du livre : http://myreader.toile-libre.org/uploads/My_51cdabd087ae8.pdf  Une fois enregistré sur votre ordinateur, il est facile de transférer le fichier sur votre liseuse/Kindle/IPad ou téléphone/ordi portable afin de voyager léger et de pouvoir l'emporter n'importe où !
Bonnes vacances et bonne lecture

jeudi 9 juin 2016

dimanche 17 avril 2016