jeudi 31 décembre 2009

Entretien du 31 décembre 1980 (A la Source de la Conscience)


Visiteur : Lorsque vous commencez à vous unir à la conscience des autres il y a une surcharge émotionnelle parce que vous ressentez leur chagrin et tout le reste. Est-ce un état transitoire ?

Maharaj : C’est un des états préliminaires, mais c’est excellent. Il demeure une « séparativité », mais graduellement cet état mûrira et s’ouvrira sur une unité complète.

V : Je n’éprouve plus aucun désir, aucune envie de faire un effort pour obtenir quoi que ce soit.

M : Il n’y a aucun mal à cela. Votre faim et soif de plénitude et joie sont complètement satisfaites et donc vous cessez de vouloir autre chose.

V : Va-t-il demeurer une personnalité à même de remplir mes obligations quotidiennes ?

M : Bien sûr. Cette évolution ne doit pas devenir une source d’inquiétude ou de peur. Il se trouve simplement que vous ne vous souvenez plus de ce « je » individuel. Il continue néanmoins à agir en utilisant ses propres ressources d’énergie. Il existe une mémoire qui est celle de l’ensemble de la manifestation, mais aucune de l’activité d’un individu.

V : J’ai le sentiment d’être un avec la conscience, mais c’est fluctuant.

M : Vous ne vous êtes pas encore stabilisé au sein de la conscience, vous en avez seulement de brefs aperçus. Etre un avec la conscience, c’est être au-delà des états de veille et de sommeil. Vous connaissez le ciel, vous connaissez l’espace, mais vous ne pouvez pas vous unir à l’espace… pas encore, ce n’est pas possible. Quand la conscience et vous ne ferez plus qu’un, vous ne ferez plus qu’un avec l’espace.

V : Puis-je faire quelque chose pour grandir, pour m’aider à progresser ?

M : La conscience ne peut faire aucun progrès. Même l’espace ne peut pas progresser et l’espace est numéro trois.

L’Absolu est un, la conscience est deux, trois est l’espace. Le numéro un est là où n’existe aucun sentiment « Je Suis ». Plus tard il y a le constat « Je Suis », qui est numéro deux, puis l’espace, le numéro trois.

Faites passer un examen aux Upanishads, vous donnent-elles la révélation de Soi ?

V : Non… malgré tout elles donnent quelque chose.

M : Dans mon cas tout est spontané, voilà mon dharma. Si des érudits viennent me dire que je perds la tête je leur dirai « Cette folie est ma richesse, ma liberté. Ce savoir qui s’était posé sur moi, c’est cela qui est folie ! »

Vous êtes une femme gracieuse, délicate, si quelqu’un vient vous parler brutalement, vous considérant comme un homme, cette méprise vous mettra en colère. De même, vous identifier à quelque chose – « Je suis comme ceci… » – est faire injure à votre nature originelle.

V : Comment perdre cette identification au corps ?

M : Développez la certitude d’être la conscience sans forme. Affirmez avec conviction « Je suis l’ensemble de la manifestation, la conscience universelle ». Personne ne peut avoir connaissance de la vérité, connaissance de l’Eternel. Il y a un état de réalité éternelle, mais c’est un état qui ne peut être connu, il est intouchable. La soi-disant connaissance, elle, il y en a tant qu’on en veut au niveau des attributs et des qualités, au niveau « Je suis » !

Dans ce corps est « Je suis » et il peut être connu. Quand ce corps tombera inanimé, ce savoir « Je suis » s’arrêtera lànmais ce qui demeurera sera l’Absolu.

Extrait de A la Source de la Conscience, Editions Les Deux Océans, 1991

jeudi 24 décembre 2009

Entretien du 25 décembre 1980 (Conscience et Absolu)

Question : Quand on s’occupe des affaires de ce monde, sur quoi faudrait-il se concentrer ?

Maharaj : Le principe du « Je Suis » est là, il remue sans cesse. Pour pouvoir le reconnaître vous mettez des uniformes variés, afin de lui donner une identité. Il est là, et vous vous absorbez dans toutes sortes d’activités. A moins de porter l’uniforme (votre corps-esprit), vous ne pouvez avoir aucune activité.

Ces explications s’adressent à Isvara (le principe divin en vous), qui pour le moment est piégé dans l’illusion qu’il est l’entité corps-esprit. Vous avez accepté l’identité qui va avec cet uniforme, c’est votre ego.

Isvara est le principe de la manifestation, qui permet à toutes les activités d’avoir lieu. Il n’a pas de forme – les formes sont basées sur le jeu original des cinq éléments (espace, air, feu, eau, terre). Et maintenant, ce principe est complètement fondu dans l’uniforme, on ne le reconnaît que par l’uniforme qu’il a pris. Vous avez peur de la mort parce que vous avez peur de perdre votre identité, le corps-esprit.

L’uniforme est là, pas de raison de ne pas l’utiliser, mais soyez bien conscient que vous n’êtes pas cet uniforme.

Q : Qu’est-ce qu’on fait quand il nous cause des ennuis ?

M : Retirez-vous dans le Soi, soyez un avec votre Soi vrai.

Cet étant aime avoir des expériences variées. Il devient mendiant ou bien roi.

Ce corps est-il éternel ? Il change sans arrêt, toute votre vie durant. Alors, à quoi allez-vous vous identifier ?

Q : Je m’identifie à mon corps, je le sais bien.

M : Qui ?

Q : Moi.

M : Donnez-moi une photo du sens de ce mot : « Je ». C’est impossible. Ce principe n’a ni nom ni forme. Tout ce qui est dû à l’uniforme va disparaître sans traces, c’est ma certitude inébranblable. Quel uniforme dure, je vous le demande ? Une fois que vous savez que vous n’êtes ni la forme ni le nom de cet uniforme, c’est terminé. C’est comme si vous aviez caché des billets de mille roupies sous votre matelas, et soudain le gouvernement annonce qu’ils n’ont plus cours.

Quand vous laisse tomber l’uniforme du « Je Suis » (de l’être-moi), il ne reste que le Parabrahman (Absolu suprême). Lui seul est éternel.

Q : Maharaj va-t-il m’aider à me défaire de mon uniforme ?

M : Pour quoi faire ? Il n’est pas éternel, il ne l’a jamais été.

Q : Nous avons toujours le nôtre, ça pose problème.

M : Dites-moi, quand la conscience n’était pas là, qu’est-ce que vous aviez comme expériences ? Un petit coup de « Je Suis » et voilà, l’être-moi se sait exister, ainsi que le monde.

Q : Comment se défaire de cette conscience ?

M : Pour quoi faire ? Si vous croyez que vous êtes cet uniforme, alors le problème se pose de s’en défaire. Abandonner votre identité avec le corps-esprit, essayez de vous mettre en question. Maintenant vous avez seulement le savoir, vous ne pouvez percevoir l’état (qui est au-delà). Vous venez ici parce que vous êtes ignorants, pas parce que vous savez. Le savoir que je dispense ne fait que dissiper l’ignorance (il n’ajoute rien).

Extrait de Conscience et Absolu, Editions Les Deux Océans 1997

jeudi 17 décembre 2009

Entretien du 11 août 1976 (Notes)

Question : Qu’est ce que la pure ignorance ?

Maharaj : Vous pourriez ne pas aimer ma réponse.

Q : On verra bien.

M : L’ensemble du monde objectif n’est qu’illusion, ainsi que tout ce que vous y faites.

Ce que vous faites n’a absolument aucun effet sur le monde. Que vous existiez (en tant que personnalité, sensation ou conscience de Je suis) est en soi, une illusion, donc, tout ce qui est vu à travers cette illusion ne peut-être réel. Tout ce que je dis – même cette entière discussion est illusion. Au-delà vous devez continuez seul.

Même si je pouvas en dire plus vous n’apprécieriez pas.

Pour aller au temple de Shiva, vous devez marchez sur Shiva. Il n’y a pas de différence entre le Christ et un grain de poussière sur la route. Tout est Brahman. Si j’allais à la plage de Chowpatty et parlais ainsi aux gens, ils me lapideraient. La chose essentielle est la conscience « de ce que je suis ».

Quand cela n’est pas présent, je ne suis pas ici et aucune autre personne ne peut l’être.

Toutes idées de Dieu et Loka (ciel, enfer, etc.) ne sont que cela – des idées venant de la conscience de vous. Celle-ci va et vient, mais vous (la Réalité, le Soi) êtes au-delà. La pure ignorance est pure science (Vi-jnana).

Le Jnani dit que votre propre conscience (au sens de Je suis dans sa pureté) est le seul vrai Dieu. Toutefois mon Satguru (Soi véritable) ne connaît même pas cela. A partir de ce Dieu, (la conscience de Je suis) toutes les autres choses apparaissent, mais il n’y a pas de Dieu dans mon état originel.

Q : Un yogi vivant peut-il être un nir-yogi (au delà du yoga) ?

M : A la naissance, vous obtenez la connaissance que vous existez. Combien de temps avant d’avoir acquis cette connaissance, étiez-vous sans connaissance ?

Q : Je n’ai aucune réponse à cela.

M : C’est au-delà du temps, de l’espace et des Guna (qualités), c’est au-delà de tout. Vous avez rejeté cette connaissance et embrassé la connaissance objective, qui est temporaire et la cause de notre souffrance et de tous nos maux.

Q : Vous dites : « vous avez rejeté cette connaissance ». Qui a rejeté cette connaissance ?

M : Que vous existiez n’est qu’une illusion ; que vous existiez (en tant que quelqu’un ou quelque chose de séparé) est le rejet. La nature de Maya est qu’elle apparaît diverse et multiple, mais, au final, tout disparaît. Vous ne pouvez pas parler d’un commencement car c’est au-delà du temps.

Votre essence est Pure Conscience.

Le Satguru (Soi, Réalité) diminue l’effet de cette Maya ou illusion, elle se réduit de plus en plus, jusqu’à finir par se fondre dans le Satguru. Vous ne pouvez transcender l’action, que lorsque vous retournez à la Source. Que vous existiez (dans le sens de Je suis) est l’illusion, sa nature est de diviser et d’apparaître multiple.

Je suis nir-yogi (au delà du yoga). Les mots et les expressions viennent de la conscience, par le Chit-shakti (le jeu ou mouvement de l’énergie ou la puissance de la conscience). Je regarde apparaître le monde. Maya se comporte comme quelqu’un qui dénoncerait ses complices et, de ce fait, serait gracié, elle raconte l’histoire de sa propre supercherie.

Q : Y a-t-il donc deux réalités pour le Jnani, l’objective et la subjective ?

M : Je suis niryogi dans Paramatman (Suprême Réalité). Je comprends le travail de cette Maya et j’en suis le témoin. Maya est décrite comme « ce qui n’est pas ». Quand vous devenez conscient de « vous » (quand naît le sens de Je suis), vous accordez de la réalité au monde objectif, qui est en perpétuelle mutation et transformation. Je sais que c’est Maya.

Quand je suis seul, cette Maya disparaît et je reste dans mon état naturel.

Ce que je dis peut ressembler aux mots de Brahma (Dieu le créateur) mais je suis allé au-delà de Brahma ou de l’état de yogi (état d’union), car dans l’état naturel, il n’y a jamais eu de séparation, comment pourrait-il donc y avoir yoga (union) ou réunion ? Je sais que ce n’est qu’une illusion et que je suis au-delà et à l’écart de tout cela. Même si vous expérimentez encore le monde dans la dualité, en réalité, vous et l’expérience ne faites qu’un.

Extrait de « Nisargadatta. Notes » de Mark West. Editions Charles Antoni / L’Originel. 2007

lundi 14 décembre 2009

lundi 7 décembre 2009

Entretien (extrait) no 93 (Je Suis)


Maharaj : Quand vous êtes lié par l’illusion « je suis ce corps », vous n’êtes qu’un point dans l’espace et un instant dans le temps. Quand l’identification de soi au corps a disparu, tout l’espace et tout le temps sont dans votre mental qui n’est qu’une simple vague dans la conscience qui, elle-même, est la Pure Conscience réfléchie dans la nature. La conscience et la matière sont les aspects actif et passif de l’être pur qui se situe dans les deux et au-delà des deux. Mon sentiment est que tout ce qui se passe dans l’espace et dans le temps m’arrive à moi, que toute expérience est mon expérience, que chaque forme est ma forme. Ce que je pense être à moi devient mon corps et tout ce qui arrive à ce corps devient mon mental. Mais à la base de l’univers se trouve la Pure Conscience, au-delà de l’espace et du temps, ici et maintenant. Sachez qu’elle est votre être authentique et agissez selon ce savoir.

Extrait de « Je Suis », Edition des Deux Océans, 1982

jeudi 19 novembre 2009

Entretien (extrait) no 85 (Je Suis)

Question : Comment savez-vous que vous êtes le témoin ?

Maharaj : Je ne sais pas, je suis. Je suis parce que pour être chaque chose doit faire l’objet d’un témoignage

Q : L’existence peut être aussi acceptée par ouï-dire.

M : Là encore, vous en revenez à la nécessité d’un témoin direct. Le témoignage, même s’il n’est pas personnel et réel, doit être au moins possible et faisable. L’expérience directe est la preuve définitive.

Q : Une expérience peut être erronée et trompeuse.

M : D’accord, mais pas le fait de l’expérience. Quelle qu’elle soit, authentique ou fausse, on ne peut pas nier le fait qu’une expérience a lieu. Le fait est sa propre preuve. Etudiez-vous de près et vous vous apercevrez que quel que soit le contenu de la conscience, la vision que nous en avons ne dépend pas de ce contenu. La présence (awareness) reste elle-même et ne varie pas avec l’événement. Ce dernier peut être agréable ou déplaisant, d’importance mineure ou très important, la présence reste identique à elle-même. Remarquez la nature particulière de la présence, son auto-identité naturelle, sans la moindre trace de conscience de moi, allez à sa racine et vous réaliserez très vite que la présence est votre véritable nature et que vous ne pouvez appeler vôtre rien de ce dont vous êtes conscient.

Q : La conscience et son contenu ne sont-ils pas une seule et même chose ?

M : La conscience est comme un nuage dans le ciel, et les gouttes d’eau sont son contenu. Il faut le soleil pour que le nuage soit visible, et la conscience a besoin d’être ramenée au centre de la présence (awareness).

Q : La présence (awareness) n’est-elle pas une forme de la conscience ?

M : Quand on considère le contenu sans attirance ni dégoût, la conscience du contenu est attention consciente (awareness). Mais il y a encore une différence entre la présence réfléchie dans l’attention consciente et la présence pure (awareness) qui transcende la conscience. L’attention consciente, le sentiment : « Je suis conscient », est le témoin, alors que la présence pure est l’essence de la réalité. La réflexion du soleil dans une goutte d’eau est, sans nul doute, un reflet du soleil, mais ce n’est pas le soleil. Entre la présence, réfléchie en tant que témoin dans la conscience et la pure présence, il y a un fossé que le mental ne peut franchir.

Q : Cela ne dépend-il pas de la manière de le considérer ? Le mental dit qu’il y a une différence, le cœur, qu’il n’y en a pas.

M : Evidemment, il n’y a pas de différence. Le réel perçoit le réel dans l’irréel. C’est le mental qui crée l’irréel et c’est lui qui perçoit le faux comme tel.

Q : J’ai compris que l’expérience du réel suivait la perception du faux comme faux.

M : On n’expérimente pas le réel. Il transcende l’expérience. Toute expérience se situe dans le mental. Vous connaissez le réel en étant le réel.

Q : Si le réel est au-delà des mots et du mental, pourquoi en parler tellement ?

M : Pour la joie de le faire, bien sûr. Le réel est la béatitude suprême. Même en parler, c’est le bonheur.


Extrait de « Je Suis », Edition des Deux Océans, 1982

dimanche 15 novembre 2009

Bob Adamson



Bob Adamson a réalisé sa vraie nature auprès de Nisargadatta en 1976.

Son site en anglais est visible ici

Grâce à l'infatigable travail de traduction de Laya Jakubowicz, son témoignage est accessible en français dans le livre "Quel est le problème maintenant, si vous n'y pensez pas ?"

De lumineuses citations ont été publiées sur le magnifique site de Laya : Perles de bonheur

lundi 20 avril 2009

Entretien du 30 janvier 1981 (Conscience et Absolu)

Maharaj : Vous agissez comme celui qui va au travail tous les matins pour pouvoir toucher son salaire ; vous, vous venez ici parce que vous voulez la connaissance. Mais une fois que vous avez cette connaissance vous n’avez plus besoin de rester ici.

Vous espérez acquérir la connaissance, et en attendant vous restez cloués ici ; mais seuls devraient rester ceux qui cherchent vraiment. (Maharaj congédie quelques personnes).

Je ne veux plus d’amateurs ici. Seuls devraient rester ceux qui sont prêts à tout donner pour avancer, ceux qui sont vraiment sérieux.

Si vous êtes vraiment sérieux, il faut accepter ce que je dis sans réserve ; sinon ne restez pas, je ne suis pas ici pour vous amuser. Et quel est mon message ? Vous n’êtes pas ce corps. Vous êtes la présence consciente. Acceptez cela, et oubliez-le.

A l’avenir, je ne vais pas me pencher sur les problèmes individuels. Je vous dirai seulement : « c’est faux » ou « c’est vrai ». Si vous n’êtes pas d’accord, vous pouvez partir.

Question : Je ne suis pas capable d’accepter ce que Maharaj m’a donné.

M : Si vous n’en êtes pas capable, ne restez pas. Je n’ai plus rien à faire avec le temporaire. Je ne désire pas l’état de conscience. Qu’il disparaisse, le plus tôt sera le mieux. Une fois qu’on sait ce qu’est le temporaire et ce qu’est l’état d’origine, on n’a plus besoin de rien. Dès que la conscience s’est éveillée, le temps et l’espace ont fait leur apparition. Elle existe dans le temps. Tout le monde souffre dans cette structure espace-temps ; pourquoi penser que chaque souffrance est unique ? De toute éternité j’étais dans cet état de béatitude complète, totale ; d’un seul coup, je me retrouve dans cet état d’imperfection. Ceux qui ont saisi la connaissance que je leur ai présentée se détourneront des raisonnements ou de la spiritualité préconisés par d’autres. J’affirme à tout savant lettré imbu de sa sagesse que j’étais là, à l’observer, quand il est venu au monde. Est-ce que c’est quelque chose que vous pouvez accepter ?

Q : Oui. Pourquoi la conscience s’est-elle éveillée ?

M : Accrochez-vous à cette conscience, et vous comprendrez pourquoi elle s’est éveillée, sans cause. Personne d’autre ne peux vous expliquer pourquoi et comment elle s’est éveillée.

C’est la conscience dans le manifesté qui parle sans arrêt, pas moi. Comment le langage fait-il son apparition ? A cause de vos efforts ?

Si vous saisissez l’essence de ce que je vous dis, vous allez éclairer le monde. Ceux qui errent de par le monde, sans but, n’auront rien. Savez-vous ce que vous voulez ?

Eknath, un sage dans la campagne , a écrit des poèmes merveilleux ; il s’écria : « J’ai été piqué par un scorpion ! ». Qu’est ce que cette piqûre ? C’est la conscience. Cette connaissance des choses, c’est le scorpion qui m’inflige cette souffrance, sous la forme de toutes ces expériences, tous ces concepts.

En tant que Jnani, je vous le dis, rien n’est réel ! C’est une pièce jouée par votre conscience, et votre conscience vient du corps sustenté par la nourriture.

Q : Je rends grâce à mon corps qui m’a amené ici.

M : Vous êtes venu ici juste pour vous suicider.

 

Maharaj : Celui qui est sérieux dans sa recherche se penche sur ces questions sans arrêt : quand le corps-esprit n’est plus, que suis-je ? Quelle est la Réalité Ultime ?

L’Etat Absolu ne peut pas être expliqué par des mots. Les mots ne sont que des signes. Vous êtes cet Absolu, cet Immuable. La conscience, le fait de connaître, est homogène et une. Quand vous êtes dans cet état de conscience, tout est le même un, mais avec des expressions différentes.

Tout ce qui passe, qui est utilisé, et s’épuise, n’est pas réel. A la fin du voyage votre connaissance s’épuisera, elle s’effacera, il est donc impossible qu’elle soit le réel ; mais vous ne pouvez pas l’ignorer, il faut la comprendre dans sa totalité.

Juste maintenant il y a un nombre infini de faits qui vous lient à ce monde, parce que vous êtes liés au souffle vital. Quand il disparaîtra, que pensez-vous qu’il arrivera à tous vos liens avec le monde ?

Je n’explique pas tout ça en pure perte, beaucoup de gens en ont profité. Le moment viendra quand eux aussi seront des éveillés, et communiqueront la connaissance à leur tour.

Un Jnani reste dans le même état, avec ou sans corps.

Méditez, ne perdez pas ce que vous avez acquis.

Quand on ne s’identifie plus au corps on transcende non seulement le corps, mais aussi la conscience, car elle est un produit du corps. La conscience cesse son refrain « Je suis, Je suis ». 

 

Extrait de Conscience et Absolu, Editions Les Deux Océans 1997

mercredi 8 avril 2009

Entretien du 1er juillet 1981 (A la Source de la Conscience)

Visiteur : Le sommeil profond est non-connaissance, l’Absolu est au-delà de la connaissance et de la non-connaissance… Je ne comprends pas !

Maharaj : Pour commencer un enfant naît. Le bébé ne se connaît pas lui-même, les réactions de faim, de soif, etc se produisent toutes seules, ce sont des éléments physiques. La vie est présente, mais à l’intérieur l’état de connaissance n’est pas encore développé, il n’est pas mûr. Après un an ou deux le petit enfant se connaît, connaît sa mère, etc. Quand l’enfant se connaît, sa fonction « connaissance » a donc débuté.

Avant cela il y a ignorance – bien que ce soit de la non-connaissance il s’agit d’ignorance. Puis la connaissance « Je suis » est atteinte. Elle ne sait pas qui est, elle sait simplement que ce qui est, est quelque chose. Plus tard l’enfant commence a entassé les concepts et les idées dont les autres le nourrissent et développe certains concepts, certaines images concernant le monde et lui-même. L’esprit se développe. Le sommeil profond et l’état de veille se succèdent, il y a ce cycle quotidien. Quel que soit votre état d’esprit au sein de l’état de veille vous percevez le monde ainsi que vos concepts, puis vous sombrez dans le sommeil. Techniquement, vous pouvez appeler ce sommeil profond : non-connaissance, mais ce n’est pas la non-connaissance derrière laquelle repose l’Absolu.

Revenons à l’enfant : ignorance, connaissance, accumulation de concepts, rencontre du Guru. Le Guru lui dit « Débarrassez-vous des concepts, soyez vous-même ! » Donc il dit que lorsque vous êtes, c’est seulement Vous qui êtes. C’est la découverte initiale : il faut simplement demeurer dans la conscience d’être, sans mot. C’est une compréhension, une connaissance. Quand l’enfant a commencé à se connaître c’était également une compréhension, mais une compréhension d’ordre général, commune à tous. A présent cela devient de la spiritualité.

Le chercheur ayant compris ce que le Guru a dit, se débarrasse de ses concepts et à présent – première étape – il s’attache à « Je suis », uniquement à l’être.

La première des choses est la connaissance « Je suis », sans mot. Avec cette connaissance le monde est. Ensuite, quand le chercheur entre en méditation, la connaissance devient non-connaissance. C’est le plus haut état qui puisse être atteint en possession d’un corps parce que connaissance et non-connaissance sont deux aspects du corps. Le corps signifie conscience et dans la conscience coexistent connaissance et non-connaissance.

L’Absolu transcende connaissance et non-connaissance. La non-connaissance est donc ce qu’il y a de plus élevé dans la hiérarchie de la spiritualité, la destination étant la transcendance de la connaissance et de la non-connaissance.

V : Je croyais que la non-connaissance signifiait l’Absolu !

M : Connaissance et non-connaissance sont les expressions de la conscience corporelle. Lorsque l’instrument corps-de-nourriture conjoint à la conscience est totalement transcendé c’est l’Absolu.

La lumière est là, l’obscurité est là, mais quelle est la toile de fond, l’arrière-plan… ? L’espace ! L’espace est là, il n’est ni la lumière, ni l’obscurité mais cet espace est. Il vous faut transcender lumière et obscurité pour résider dans l’espace. De la même façon il faut transcender connaissance et non-connaissance, les deux aspects de la conscience corporelle. Si vous avez atteint cet état vous observez, à la fois, conscience et non-conscience. Cet état est appelé samadhi naturel ou sahaja samadhi.

C’est spontanément que vous atteignez cet état, mais l’instrument psychosomatique corps-conscience est toujours disponible. A l’instant où quelqu’un vient, l’instrument se met à fonctionner. Sitôt après vous retrouvez l’état Absolu.

On peut dire que c’est quelque chose comme ça : dans un hall immense il y a une porte et dans la porte un petit judas pour regarder à l’extérieur. Ce judas est la conscience ; vous l’utilisez, mais vous demeurez à l’intérieur !

Supposez que vous soyez dans un de ces satellites qui quittent la terre. Une fois dans l’espace vous aurez l’impression d’avoir échappé à la terre… mais ce n’est pas le cas, vous demeurez sous l’influence de son attraction. Il vous faut monter beaucoup plus haut dans l’espace, là où il n’y a plus aucune atmosphère ! Mais à quoi servirait d’aller là-haut ? cela ne se passe pas comme cela. Vous êtes véritablement l’Absolu et vous ne possédez que ces protections, ces couvertures inutiles.

Vous savez que vous êtes, puis vous oubliez que vous êtes. Cet oubli est non-connaissance, non-savoir, c’est l’état le plus haut. Vous ne pourrez jamais le décrire en mots, cet état n’est jamais capturé par les mots.

La compréhension est indispensable et il ne faut pas se tromper. Supposons que vous viviez dans l’état de non-connaissance. Vous ne devez pas vous prendre pour un Jnani simplement parce que cet état dispose de multiples pouvoirs.

Vous pouvez vous croire un Jnani, mais ce ne sera pas vrai, c’est un simple pas franchi. Ce stade est rempli de tentations. Quand vous êtes pure êtreté, qu’il n’y a plus de mots, alors vous êtes puissant. Mais il faut abandonner ces pouvoirs. Refusez de les posséder. 

 

Extrait de A la Source de la Conscience, Editions Les Deux Océans, 1991

lundi 6 avril 2009

Entretien du 10 mai 1981 (A la Source de la Conscience)

Maharaj : Ce que vous aimez le plus c’est ce « Je suis » lui-même, cette présence consciente, mais cela ne durera pas toujours !

Quand cette flamme s’éteint, a-t-elle enregistrée un profit ou une perte ? Que représente la flamme ?

Visiteur : La connaissance, la conscience…

M : Que va-t-il arriver à cette conscience ? Toute cette spiritualité existe uniquement pour le faire comprendre, pour le faire assimiler. Une fois éteinte, la flamme n’a plus rien à faire. De même comprenez bien ceci, une fois ce corps mort et la conscience éteinte vous n’avez plus besoin de rien faire. Possédant cette compréhension, faites ce que vous voudrez dans le monde.

Actuellement, vous êtes ligoté à cette identification au corps, c’est conceptuel. Mais la pensée même d’un profit ou d’une perte est annihilé lorsque la compréhension a lieu.

N’essayez pas de choisir, de décider « je dois faire ceci et pas cela ». Ne vous imposez rien, ne vous conditionnez pas par une certaine façon de vivre.

Une fourmi est sur vous, elle vous pique ; c’est ainsi que vous savez que la fourmi est là. C’est la même chose en ce qui concerne cette présence consciente « Je suis », sa perception est due à la présence du corps matériel.

Ayant bien compris cela, qui voudrait s’accrocher à cette vie matérielle ou la rejeter… ? La question ne peut pas se poser !

Si vous êtes imprégné de cette connaissance, malgré les multiples difficultés du monde aucun mal ne vous affectera.

Des propos aussi abruptes et énigmatiques, vous ne les trouverez pas ailleurs. Ailleurs on vous exposera certains concepts ayant surgis dans la conscience. Dans ces concepts d’autres concepts seront développés et vous vous égarerez ! Les concepts relevant de la conscience, quels qu’ils soient, sont sans réalité. Le monde écoutera-t-il de tels propos ?

Qu’est-ce que vous êtes ? Etes-vous ce principe « naissance », ce corps résultat des sécrétions de vos parents ? Celui qui reçoit en lui cette révélation est libéré de tous les problèmes de famille ou du monde.  

Extrait de A la Source de la Conscience, Editions Les Deux Océans, 1991

vendredi 3 avril 2009

Entretien du 31 mars 1981 (A la Source de la Conscience)

Maharaj : Quand il existe une claire compréhension de la nature et de la fonction de la conscience, cette compréhension n’a plus besoin de conscience, parce que cette compréhension devient ce qui connaît la conscience.

Visiteur : Est-il possible de ne plus fonctionner en tant qu’individu mais seulement en tant qu’ensemble de la manifestation ?

M : Je suis la manifestation. Je – Absolu, non-manifesté – suis le même « je » manifesté. La conscience est l’expression de l’Absolu, ils ne sont pas deux.

V : Si ma vie me procure bonheur et satisfaction, pourquoi devrais-je prendre la peine de rechercher ce que je suis ?

M : Cette conscience ne prendra aucun repos tant qu’elle n’aura pas trouvé la réponse. Cette conscience ne peut pas endurer sa propre existence, elle ne peut pas supporter sa propre conscience !

V : Elle veut retourner à sa vraie place et là se reposer ?

M : Je ne suis pas enclin à discuter avec des mots.

Vous venez ici avec constance, prêts à faire des efforts. Si c’est ce que vous voulez vous êtes les bienvenus. Mon enseignement est très simple : l’expérimentateur et l’expérience sont tous deux imaginaires !

Quand vous êtes jeunes vous aimez les activités des jeunes, vous les pratiquez, elles vous captivent. La jeunesse enfuie vous ne vous intéressez plus à ces occupations juvéniles. De la même façon, tant que vous endosserez ce concept « Je suis » vous resterez associé à tous ces concepts. Quand vous serez dépouillé du concept « Je suis », il n’y aura plus de mémoire, plus de « j’étais » et « j’avais » telle ou telle expérience, la mémoire même sera effacée. Avant d’être complètement éliminé, tant qu’il demeure encore quelques traces de vous-même, vous avez tout intérêt à quitter cet endroit.

Vous ne rencontrerez pas ailleurs un enseignement du même niveau et aussi détaillé. Cette dame a entassé un grand nombre de connaissances, elle en possède des rayonnages entiers, mais en temps voulu, non seulement elle oubliera tout ce qu’elle a emmagasiné mais elle s’oubliera elle-même. Elle oubliera qu’elle était ! 

 

Extrait de A la Source de la Conscience, Editions Les Deux Océans, 1991

lundi 30 mars 2009

Entretien du 13 décembre 1980 (A la Source de la Conscience)

Maharaj : L’Absolu est unicité – en lui-même intrinsèquement Un – mais il s’exprime de multiples façons et sous de multiples formes. En tant qu’Absolu je n’ai aucune expérience de moi-même. La dévotion sans aucun « autre » est la dévotion envers le Soi, là où n’existe pas de dualité. Quand la dualité apparaît, la dévotion se divise en sujet et objet, maître et disciple. Avant la naissance nous n’avions aucune conscience de nous-mêmes. Quand un élément étranger, la naissance, survient alors nous devenons conscient.

Comprendre cela est l’éveil et pour atteindre cet éveil il n’existe aucune voie, chemin ou technique. C’est tellement subtil que j’aimerais en parler plus longuement mais il m’est physiquement impossible d’aller au-delà de quelques phrases.

Ce dont je parle librement, les autres ne parleront pas. Le degré de réceptivité de chacun dépend de leur propre chance. Comprenez bien aussi que ce que vous m’entendez dire, vous ne pouvez pas l’utiliser. Ce que vous entendez ici fera spontanément ce qu’il a envie de faire

Visiteur : Etre assis et écouter Maharaj est une telle joie ! Bien que cela me semble se passer dans la dualité, je suis atteint à un niveau très profond.

M : Tant que ce sentiment de dualité subsiste, ce que vous entendez ne peut atteindre son but.

Comprenez ce que je vous dis : la conscience s’éveille spontanément. Une fois conscient de moi-même je sais que j’existe et j’aime cette existence. Je ne veux pas que cette êtreté me quitte et c’est pourquoi tout le jour, jusqu’à l’épuisement, je travaille dur pour que cet amour de l’existence soit satisfait.

Ensuite le Guru me révèle le véritable état des choses, il me dit que cette conscience tellement aimée n’est qu’une illusion. Il m’explique ce qu’est la cause de toutes mes souffrances et mes déceptions, il m’apprend que mon état véritable se trouve avant l’apparition de cette conscience, c’est à dire les concepts – et chaque nom donné est un concept.

Comprenez complètement cela, intuitivement, au-delà des mots. Mais comprenez aussi que cette compréhension vous ne pourrez pas vous en servir. Cela ne pourra avoir lieu qu’au niveau de la conscience et la conscience est illusion !

Lorsque dans un certain temps les bases de cette compréhension s’élargiront, que les gens commenceront à se demander ce que ce monde signifie, les paroles enregistrées ici et retranscrites deviendront d’une importance inimaginable. A ce moment là, quand tout ceci sera exposé sur une vaste échelle, on sera émerveillé… Ces mots sont peu de choses, mais ceux qui seront fiers de leurs accomplissement verront, en écoutant ce petit nombre de mots, tout leur savoir et toutes leurs certitudes s’évaporer si brusquement qu’ils en resteront stupéfaits !

V : Je ne comprends pas la manière dont le terme conscience est utilisé ici. Je croyais que la conscience était présence au Tout, l’Ultime réalité !

M : Nous parlons de la conscience dépendant du corps-nourriture, conscience qui est née, qui est liée au temps. Ce qui est antérieur à cette conscience est l’Absolu. Quand la conscience est sans forme et ne se connaissant pas elle-même, elle est l’Absolu. Nous sommes uniquement cette conscience.

Vous venez ici et je vous parle, mais que vous demeuriez ou que vous partiez n’a aucune importance pour moi. Cela ne me concerne pas, je demeure dans une totale indépendance. Totale indépendance signifie simplement apprendre et comprendre. Ma dépendance apparente est au niveau de cette conscience disant « Je suis ». C’est cette sensibilité qui me permet de vous percevoir. Avant je n’avais pas ce concept, j’existais pourtant, j’étais là avant l’apparition de ce concept.

Ce que vous souhaitez, désirez ou adorez, quoi que cela puisse être, ne peut être que concept. Avez-vous bien compris ce qu’est l’existence conceptuelle et ce qu’est l’existence antérieure à la conscience ?

Beaucoup sont venus ici pour des raisons purement spirituelles et ont professé un grand amour pour moi. En conséquence des choses heureuses leur sont arrivées. Ils prospèrent et au sein de leur réussite ils n’ont plus le temps de venir ici. Tout cet amour du début, où est-il ?

Nous sommes dans la principauté de Maya. Quelqu’un vient ici animé des intentions les plus sincères de recherche spirituelle, et puis Maya  lui tend un petit bout de tentation et il fonce droit devant !

Cette Maya n’opère pas toute seule, nous sommes associés. Aura-t-il l’audace de divorcer de Maya ? Non, il acceptera cette Maya et ses images de désirs . Cet ego – c’est à dire « Je suis ceci et cela » – , il est très difficile de s’en débarrasser, mais l’ego ne peut pas atteindre celui qui comprend réellement ce que je dis.

Tant que les concepts se prolongent, vous continuez à venir ici, dès que vous allez au-delà des concepts, vous n’avez plus besoin de revenir !

Depuis quand, pour quelle raison et jusqu’à quand existe ce que vous croyez être ?… Pensez à la réponse ! 

 

Extrait de A la Source de la Conscience, Editions Les Deux Océans, 1991

dimanche 22 mars 2009

Entretien de novembre 1980 (Sois)


Visiteur : J’ai un problème d’ordre pratique. Quand je m’efforce d’être uniquement « je suis », je m’endors. Tant que j’ai de l’énergie, je peux demeurer sans pensées mais je me fatigue, des pensées arrivent, des images, et je m’endors. Que puis-je faire ?

Maharaj : Qu’entendez-vous par demeurer dans « je suis » ? Vous êtes assis ici, ai-je besoin de vous le confirmer, risquez-vous, si vous ne faites pas d’effort, de vous croire marchant dans la rue ? Pouvez-vous ne pas être dans « je suis » ? Qu’est le « je suis » pour vous ?

V : Je me tiens dans « je suis », oui, mais si je ne fais pas attention, j’en suis distrait. Des pensées surgissent et forment écran.

M : Vous faites un effort pour acquérir un certain état et cet état ne demeure pas constamment avec vous. Si vous avez à faire un effort, est-ce un état naturel ?

V : Non.

M : Alors être dans « je suis » qu’est ce que c’est ? Est-ce qu’un effort est nécessaire ou bien êtes-vous déjà dans ce « je suis » avant l’effort ?

V : J’y suis.

M : Alors d’où vient ce besoin d’effort et d’énergie ? Il vous faut bien percevoir ces contradictions.

Vous êtes assis, ici, avez-vous besoin de vous le rappeler ? Est-il nécessaire de vous préciser à vous-même « je suis actuellement assis dans cette pièce » ? Ne le sauriez-vous pas avant que la pensée ne se forme ? C’est parce que vous êtes plongé dans cet état « je suis » qu’il vous a été possible de venir ici et de poser des questions. D’où vous vient l’idée qu’un effort soit nécessaire ?

Quelle que soit votre expérience du monde objectif, d’où effectuez-vous cette expérience ? Le « je suis » est là d’abord, le monde n’est à votre disposition que si vous êtes là d’abord. Etes-vous d’accord ?

V : Oui.

M : Que pouvez-vous posséder d’autre que cette notion « je suis, j’existe, je suis vivant » ? Toutes vos connaissances spirituelles sont des on-dit, des concepts. Que possédez-vous provenant d’intuitions non-conceptuelles ? Possédez-vous un nom qui ne vous ait pas été imposé ?

Vous croyez que vos idées vous appartiennent, non. Elles sont communes à l’ensemble de l’humanité, elles ne font que traverser votre conscience. Elles ne vous appartiennent pas plus que ce nom qui vous a été donné.

Vous n’agissez pas, l’action se meut dans la conscience qui elle, seulement, est vous. C’est cela qui agit – vous, vous ne faites rien. Vous constatez simplement « la conscience agit », « un mouvement de conscience se produit ».

La conscience est liée aux cinq éléments mais elle les précède. Elle est d’abord pénombre, comme la lumière de la lune à l’aube. La conscience est juste consciente de son existence, sans aucun nom et c’est l’espace. Tout commence par l’espace, à partir de là apparaissent causes et effets qui participent à l’apparition des quatre autres éléments par réaction les uns avec les autres. Le monde minéral est créé qui ensuite épouse toutes les formes manifestées n’étant, chacune, qu’une expression particulière de la conscience. Mais tout ce manifesté, depuis l’apparition en espace jusqu’à l’ensemble du cosmos, n’est que le non-manifesté prenant conscience de lui-même et cela n’a lieu que lorsque vous êtes « étant », conscient, sans formulation, de vous-même. Lorsque vous demeurez présent à votre êtreté sans rien faire.

V : On ne peut rien faire que suivre les mouvements de la conscience. Mais la conscience s’identifie à son contenu, à ce qui se trouve dans le champ de son attention. Comment affaiblir cette identification puisque aucune action n’est possible ?

M : Voici ce qu’est la conscience : des concepts plus de la lumière. On constate la lumière par la vision des objets éclairés mais la lumière elle-même on ne la voit pas. Vous connaissez le goût du sucré et du salé, mais quel est le goût de votre bouche ?

Vous êtes le point de départ de toute la création, le point-phare qui éclaire la création et il n’y a à aucun moment à faire le moindre effort. N’ayez pas d’impatience. Immergez-vous dans le sens d’exister sans forme, jusqu’au jour où jaillira l’illumination de la conscience-lumière qui est dans tout ce qui existe et qui vous fera découvrir « je suis tout cela, l’ensemble du manifesté ».

Il vous faut demeurer dans ce sentiment « je suis » et un jour tout se produira spontanément. Cela ne peut se produire que spontanément et n’est en aucun cas le résultat de préparation ou d’ascèse. Mais il faut toujours vous souvenir « je ne suis pas cela, ni cela, ni cela ». Pas de forme ! Et un jour vous constaterez « je suis le monde, je suis un, je suis entier et non pas divisé ». « Je suis un » veut dire « je suis l’ensemble des mondes ». C’est le « je suis » prenant conscience du « je suis ».

C’est « je suis » limité à une chose matérielle qui est l’erreur fondamentale, celle qui rend caduque les constructions les plus hautes et les plus surprenantes que l’on puisse élever sur cette base fausse. Ce n’est donc pas en manipulant de hautes idées spirituelles que l’on pourra modifier en quoi que ce soit son ignorance, il faut revenir au point de départ. Comprendre ce qui se passe à la naissance est la seule et unique réponse. Quand on l’a obtenue, on comprend et on sait tout ce qu’il est possible de savoir. Il faut découvrir le pouvoir qui en vous veut faire, veut agir. Le pouvoir que tous les ambitieux et les puissants veulent manipuler mais dont la compréhension réside seulement dans la perception de ce qu’est la naissance.

V : Cet élan vers la vie que l’on a en soi, cet amour de l’existence, ne serait-ce pas la cause de la manifestation ?

M : Personne n’a créé cet amour de la vie, il apparaît spontanément avec la conscience. Intrinsèquement intérieur, il ne peut pas la précéder. On ne peut pas les séparer, pas plus que le principe germinatif de la graine.

Pourquoi êtes-vous ? Cela jaillit dans l’essence de la nourriture ! Ce principe dynamique s’exprime au travers de la manifestation. La connaissance « je suis » on ne la regarde pas, on la vit. Tout ce qu’il est possible d’observer se rattache seulement à la nourriture. Vous continuez malheureusement, malgré ce que je dis, à revenir au « je suis le corps », « c’est moi qui agit ». Tout arrive spontanément à travers le dynamisme originel qui est mouvement mais vous avez pris l’habitude d’annexer ce principe, de cultiver cette illusion « nous somme ce mouvement, nous agissons ». La connaissance « je suis » ne peut pas être perçue. Le corps n’est qu’un contenant, rien d’autre. Après m’avoir écouté vous devez comprendre profondément qu’il ne faut rien faire.

En tant que connaissance « je suis », non formulée, vous n’avez ni forme, ni aspect. Vous ne pouvez donc rien faire, les choses vous arrivent simplement.

Cette notion erronée « je suis ce corps » est comme une épine dans le pied. Pour vous débarrasser de ce faux concept, je vous fournis d’autres concepts qui sont comme une aiguille avec laquelle vous pouvez vous extraire l’épine du pied. Mais si vous laissez l’aiguille dans le pied à la place de l’épine, qu’aurez-vous gagné ? Une fois que mes concepts auront joué leur rôle, il faudra vous en débarrasser. Jetez l’épine et l’aiguille.

Dès que vous assumez être quelque chose c’est faux, dès que vous ignorez ce que vous êtes c’est juste.

V : Parabrahman signifie l’Absolu, le vierge, l’intact. Nous qui sommes abîmés, pollués, comment pouvons-nous comprendre l’inaccessible ?

M : Grâce à Viveka, la discrimination. Discriminer, c’est déplacer, changer d’orientation, brasser les mots. Ne vous cramponnez pas aux mots, comprenez leur signification puis jetez-les.

Quand le processus de discrimination s’arrête c’est qu’il ne demeure plus aucun concept, vous êtes redevenu intact. Lorsque l’on est entier, même le « je suis » devient un poids, une flétrissure, c’est un élément qui doit aussi être rejeté. Le principe de conscience aussi doit être éliminé. Le « je suis » est le concept premier et il faut s’en débarrasser avant d’avoir accès à l’Absolu.

Tout ce que vous pouvez percevoir n’est que la manifestation de votre seule conscience. C’est l’expression de vous-même, stabilisez-vous d’abord à l’intérieur de cette conscience. Soyez cela et tout le reste se dissoudra. Faites-moi confiance, mes mots vont détruire vos mots et se dissoudre ensuite.

Un petit enfant, au commencement, ne se connaît pas lui-même, bientôt, il prend conscience de son corps, puis de celui des autres et se met à apprendre une foule de choses. Tout a néanmoins commencé par cette absence de connaissance. L’homme est ignorant de sa base, de son début, c’est sur cette ignorance qu’il construit sa compréhension du monde et un savoir de plus en plus complexe. Pour découvrir la vérité, ce n’est pas dans la direction de la philosophie ou de la religion qu’il vous faut chercher, c’est dans la direction opposée. Il vous faut retourner au commencement, il vous faut cerner cette ignorance initiale sur laquelle a été dressé tout le reste, il vous faut sonder ce que peut être cette connaissance négative, cette absence de tout savoir. Quand vous aurez connu cela, vous saurez toutes choses.

Tant que vous demeurez ignorant de votre base, de ce qui vous supporte, il est évident que tout ce que vous pouvez exprimer sur Dieu est faux. Mais quand vous avez compris cette base, ce principe du « je suis » non formulé, vous manifestez Dieu et vous êtes Dieu. Stabilisez-vous dans cette conscience de la toute petite enfance ne se connaissant pas et découvrez ce qu’elle est.

Tout ce que vous pouvez faire, en dehors de trouver votre véritable nature, est, soit vous agiter et vous fatiguer de plus en plus en croyant agir, soit vous endormir. Tout ce que vous pensez accomplir socialement ou spirituellement n’est que jeu, divertissement.

L’entité humaine n’existe en aucune façon. Il y a ce principe de conscience qui vient se joindre à la gestation d’un corps au moment de la conception. Chez le nouveau-né il est « je suis » en sommeil. Ensuite l’enfant devient conscient mais cette conscience s’identifie à son contenu. Et là commencent les spéculations et la souffrance. Placez votre être dans l’êtreté et échappez à tout cela.

V : Qu’est ce que la manifestation, en essence ?

M : La manifestation est Brahma. Brah-ma signifie « je suis présent ». La manifestation est une chose spontanée. Comprenez bien qu’il n’y a aucune différence entre le manifesté et le non-manifesté.

Le traducteur : L’Absolu transcende le relatif mais il est immanent à tout ce qui est relatif. Le noumène et le phénomène sont immanents de telle sorte que l’immanent et le transcendant existent en même temps.

M : Cette conscience, ce qui est, qu’est-ce ? Vous pouvez l’appeler Agni, ou bien Animus, Dieu, mais c’est simplement ce qui rend un corps vivant. En son absence, le corps n’est qu’un certain dosage des cinq éléments. C’est ce qui donne la chaleur au monde. Ultimement, ce n’est que cette chaleur universelle quoi que soient les grands noms anciens qu’on lui ait donnée.

Vous pensez « je peux comprendre que je ne suis pas ce corps, que je suis simplement ce qui connaît en moi, cette conscience ». Mais accepter que votre conscience soit la même que la mienne, que ce sens du « je » que vous éprouvez soit aussi le mien, cela vous est très difficile.

Comprenez bien que cette chaleur, cette lumière, est originellement ce qui est, sans avoir conscience de son existence. Pour distinguer un objet, il faut de la lumière, la lumière possède des milliers de rayons, mais on ne peut pas dire que chaque objet bénéficie pour l’éclairer d’une lumière différente. Les objets sont différents mais la lumière est la même. La nature de cette conscience est seulement lumière, la lumière de la connaissance, la lumière de la présence. Pouvez-vous démontrer la naissance ou la mort de cette lumière, cette lumière qui est sans couleur et en même temps de toutes les couleurs possibles ?

Qu’est ce que la conscience, l’êtreté en essence ? N’est ce pas la saveur, le parfum de ce qui a été conçu et qui est né ? Quel est le point de départ de cette souffrance de l’existence duelle, à quoi a été donné le nom de l’enfant ? N’est-ce pas à cette conscience latente ? Pourquoi êtes-vous né ? Pourquoi êtes-vous ? Retournez à la source !

L’intellect n’est qu’un sous-produit de la manifestation, il apparaît après les cinq éléments et la force vitale, néanmoins, il voudrait pouvoir manipuler ce qui le précède et qu’il ne connaît pas ! Jamais aucun homme de science ne pourra comprendre les cinq éléments, il pourrait, par contre, fort bien arriver à rendre la vie humaine impossible, ce n’est pas difficile. Quelques années sans pluie et il n’y aura plus aucun être vivant pour se persuader qu’il peut transformer la nature.

Le monde de la spiritualité est une fraude, il ne peut exister que par la fraude. Beaucoup de sages font des concessions devant l’ignorance de leurs disciples, ils leur concèdent un concept, une forme, qui est immédiatement sacralisée, commentée et devient une complication, un embarras qui, après la mort du sage, fera naître mille disputes et controverses. Non, il faut tout jeter, se débarrasser de tout.

Je vous parle uniquement de mon expérience. Je vous parle de ma nature, de ce qui vis en cet instant. Je ne me réfère à aucun dogme, à aucun dieu. Je vous parle à partir du point où je me trouve : la réalité.

Voyez ce qui se passe à Pondichéry, Auroville et le merveilleux travaille d’Aurobindo. Il y a eu tant de querelles et à présent tant de disputes et d’escroqueries entre les disciples que le gouvernement indien s’empare d’Auroville, tout est fini.

Dans le langage conventionnel de la spiritualité, je devrais vous dire « vous êtes tous extrêmement vertueux, vous avez acquis énormément de mérites dans le passé pour avoir eu la chance de venir ici et d’entendre mes paroles ». Mais ne restez pas trop longtemps ou vous ne serez plus bon à rien. Mes paroles vont tout dissoudre en vous.

Rappelez-vous ce que vous pouvez, ensuite allez-vous-en et faites tout ce que vous voudrez. Retournez au social, votre travail sera votre meilleur soulagement, poursuivez vos activités habituelles.

N’essayez pas de changer quoi que ce soit , évitez les complications, les discussions. Tout ce qui doit se faire arrive. On met les grains sous la meule et ils sont tous écrasés en fine farine. Seuls les quelques grains se trouvant au centre sont épargnés. Alors, placez-vous au centre où vous pourrez demeurer tranquille.

V : Même distrait, non présent à « je suis », je réside dans ma conscience mais comment être attentif, comment demeurer au centre de la meule ?

M : Cette question révèle votre niveau d’ignorance. Vous demeurez enfermé dans votre limitation. Vous n’êtes pas intimement convaincu que le niveau de la distraction n’a aucune réalité. Seul le centre, grâce auquel vous percevez cette inquiétude dans laquelle vous vous enfermez, seul ce centre qui vous permet d’appréhender n’importe quelle idée est authentique. Ce centre seul est votre véritable nature que votre esprit en ait conscience ou non.

Quand vous avez reçu votre feuille d’impôt, il n’y a rien à faire, la machine s’inquiète, c’est normal. Mais quand vous avez du temps devant vous, rien de précis à faire, abandonnez toutes ces inquiétudes.

Ressentez bien ce profond « je suis » qui est le siège de tout ce qui vous agite. Observez-le simplement, sans volonté, sans mots.

Au début, vous êtes assez intéressés par la recherche de la vérité, cela occupe une certaine partie de votre temps. Puis cela grandit en vous et devient un jour une soif ardente. Vous n’avez alors plus besoin de faire d’efforts, dès que vous avez un instant de libre, vous vous dirigez vers votre conscience, vers ce « qu’est ce que je suis ? ». Vous éliminez peu à peu tout le reste et un jour vous rejoignez votre recherche, vous devenez un avec elle. La vérité, le chercheur et la recherche ne font plus qu’un.

Le grand écueil est de tirer satisfaction de la forme du chercheur, d’adopter l’étiquette « je suis chercheur de vérité » avec tout le comportement qu’elle implique, les tenues spéciales, les bahjans, les offrandes, les attitudes humbles, etc. Si le docteur X, assis là-bas dans le fond et qui est un grand médecin, était un véritable chercheur de vérité, il n’aurait plus de malades. S’il ne faisait plus qu’un avec sa recherche, ses malades seraient remplacés par des disciples.

Il ne faut plus penser, il faut simplement vivre pour atteindre son but, ne plus avoir autre chose dans sa conscience. Ne recevant plus de nourriture, les concepts vont petit à petit s’affaiblir et la présence de la conscience deviendra perceptible. En demeurant paisiblement immergé dans sa conscience on permet à celle-ci de spontanément un jour se diriger vers sa source. Si cette quête n’est pas abandonnée, tôt ou tard on devient un avec la source de la conscience.

Le chercheur n’est rien d’autres que les trois états – sommeil, rêve, éveil, plus un corps vivant – qui doivent se stabiliser dans la conscience, devenir cette présence consciente qui d’elle-même va remonter vers sa source.

Que ceux d’entre vous qui ont besoin de dévotion comprennent bien ce qu’ils sont en train de faire. Ils donnent une forme à leur être et ils l’adorent. A l’intérieur de quoi adorent-il ? De leur propre conscience et la forme créée n’est qu’un aspect d’eux-mêmes. Faites bien attention car ce que vous placez dans votre conscience, vous le devenez. Fuyez les étiquettes, les traditions, les noms, vous deviendrez prisonniers de leur forme, vous vous ligoterez dans leurs liens. Fuyez toutes poses, toute attitude imposée, demeurez libre, ne vous cramponnez pas à des cadavres.

S’il vous faut malgré tout une orientation, une forme, pensez au ciel. Devenez l’espace, le vent, une brise fraîche ou une tornade si vous préférez, mais changez ces images. Il faut toujours s’alléger, s’affiner. Méditez en portant votre attention sur l’attention et, de lui-même, le méditant se dissoudra.

La cause initiale ne peut pas être autre chose que soi-même. Qu’est ce qui précède les pensées ? Celui qui pense. Il me faut d’abord être avant d’expérimenter quoi que ce soit.

Lorsque dans la routine de votre travail une de vos actions est terminée, demeurez immobile et restez simplement avec le contenu de cet instant. Quand se présente un trou dans le déroulement de vos activités, demeurez dans ce vide, profitez de cet instant d’inaction. Perdez l’habitude de meubler ce trou en cherchant quelque chose à faire, en brassant des idées.

Restez tranquille, n’introduisez rien de nouveau dans la conscience à la place de ce qui vient de finir.

 

Extrait de Sois, Editions Les Deux Océans, 1983