lundi 20 avril 2009

Entretien du 30 janvier 1981 (Conscience et Absolu)

Maharaj : Vous agissez comme celui qui va au travail tous les matins pour pouvoir toucher son salaire ; vous, vous venez ici parce que vous voulez la connaissance. Mais une fois que vous avez cette connaissance vous n’avez plus besoin de rester ici.

Vous espérez acquérir la connaissance, et en attendant vous restez cloués ici ; mais seuls devraient rester ceux qui cherchent vraiment. (Maharaj congédie quelques personnes).

Je ne veux plus d’amateurs ici. Seuls devraient rester ceux qui sont prêts à tout donner pour avancer, ceux qui sont vraiment sérieux.

Si vous êtes vraiment sérieux, il faut accepter ce que je dis sans réserve ; sinon ne restez pas, je ne suis pas ici pour vous amuser. Et quel est mon message ? Vous n’êtes pas ce corps. Vous êtes la présence consciente. Acceptez cela, et oubliez-le.

A l’avenir, je ne vais pas me pencher sur les problèmes individuels. Je vous dirai seulement : « c’est faux » ou « c’est vrai ». Si vous n’êtes pas d’accord, vous pouvez partir.

Question : Je ne suis pas capable d’accepter ce que Maharaj m’a donné.

M : Si vous n’en êtes pas capable, ne restez pas. Je n’ai plus rien à faire avec le temporaire. Je ne désire pas l’état de conscience. Qu’il disparaisse, le plus tôt sera le mieux. Une fois qu’on sait ce qu’est le temporaire et ce qu’est l’état d’origine, on n’a plus besoin de rien. Dès que la conscience s’est éveillée, le temps et l’espace ont fait leur apparition. Elle existe dans le temps. Tout le monde souffre dans cette structure espace-temps ; pourquoi penser que chaque souffrance est unique ? De toute éternité j’étais dans cet état de béatitude complète, totale ; d’un seul coup, je me retrouve dans cet état d’imperfection. Ceux qui ont saisi la connaissance que je leur ai présentée se détourneront des raisonnements ou de la spiritualité préconisés par d’autres. J’affirme à tout savant lettré imbu de sa sagesse que j’étais là, à l’observer, quand il est venu au monde. Est-ce que c’est quelque chose que vous pouvez accepter ?

Q : Oui. Pourquoi la conscience s’est-elle éveillée ?

M : Accrochez-vous à cette conscience, et vous comprendrez pourquoi elle s’est éveillée, sans cause. Personne d’autre ne peux vous expliquer pourquoi et comment elle s’est éveillée.

C’est la conscience dans le manifesté qui parle sans arrêt, pas moi. Comment le langage fait-il son apparition ? A cause de vos efforts ?

Si vous saisissez l’essence de ce que je vous dis, vous allez éclairer le monde. Ceux qui errent de par le monde, sans but, n’auront rien. Savez-vous ce que vous voulez ?

Eknath, un sage dans la campagne , a écrit des poèmes merveilleux ; il s’écria : « J’ai été piqué par un scorpion ! ». Qu’est ce que cette piqûre ? C’est la conscience. Cette connaissance des choses, c’est le scorpion qui m’inflige cette souffrance, sous la forme de toutes ces expériences, tous ces concepts.

En tant que Jnani, je vous le dis, rien n’est réel ! C’est une pièce jouée par votre conscience, et votre conscience vient du corps sustenté par la nourriture.

Q : Je rends grâce à mon corps qui m’a amené ici.

M : Vous êtes venu ici juste pour vous suicider.

 

Maharaj : Celui qui est sérieux dans sa recherche se penche sur ces questions sans arrêt : quand le corps-esprit n’est plus, que suis-je ? Quelle est la Réalité Ultime ?

L’Etat Absolu ne peut pas être expliqué par des mots. Les mots ne sont que des signes. Vous êtes cet Absolu, cet Immuable. La conscience, le fait de connaître, est homogène et une. Quand vous êtes dans cet état de conscience, tout est le même un, mais avec des expressions différentes.

Tout ce qui passe, qui est utilisé, et s’épuise, n’est pas réel. A la fin du voyage votre connaissance s’épuisera, elle s’effacera, il est donc impossible qu’elle soit le réel ; mais vous ne pouvez pas l’ignorer, il faut la comprendre dans sa totalité.

Juste maintenant il y a un nombre infini de faits qui vous lient à ce monde, parce que vous êtes liés au souffle vital. Quand il disparaîtra, que pensez-vous qu’il arrivera à tous vos liens avec le monde ?

Je n’explique pas tout ça en pure perte, beaucoup de gens en ont profité. Le moment viendra quand eux aussi seront des éveillés, et communiqueront la connaissance à leur tour.

Un Jnani reste dans le même état, avec ou sans corps.

Méditez, ne perdez pas ce que vous avez acquis.

Quand on ne s’identifie plus au corps on transcende non seulement le corps, mais aussi la conscience, car elle est un produit du corps. La conscience cesse son refrain « Je suis, Je suis ». 

 

Extrait de Conscience et Absolu, Editions Les Deux Océans 1997

mercredi 8 avril 2009

Entretien du 1er juillet 1981 (A la Source de la Conscience)

Visiteur : Le sommeil profond est non-connaissance, l’Absolu est au-delà de la connaissance et de la non-connaissance… Je ne comprends pas !

Maharaj : Pour commencer un enfant naît. Le bébé ne se connaît pas lui-même, les réactions de faim, de soif, etc se produisent toutes seules, ce sont des éléments physiques. La vie est présente, mais à l’intérieur l’état de connaissance n’est pas encore développé, il n’est pas mûr. Après un an ou deux le petit enfant se connaît, connaît sa mère, etc. Quand l’enfant se connaît, sa fonction « connaissance » a donc débuté.

Avant cela il y a ignorance – bien que ce soit de la non-connaissance il s’agit d’ignorance. Puis la connaissance « Je suis » est atteinte. Elle ne sait pas qui est, elle sait simplement que ce qui est, est quelque chose. Plus tard l’enfant commence a entassé les concepts et les idées dont les autres le nourrissent et développe certains concepts, certaines images concernant le monde et lui-même. L’esprit se développe. Le sommeil profond et l’état de veille se succèdent, il y a ce cycle quotidien. Quel que soit votre état d’esprit au sein de l’état de veille vous percevez le monde ainsi que vos concepts, puis vous sombrez dans le sommeil. Techniquement, vous pouvez appeler ce sommeil profond : non-connaissance, mais ce n’est pas la non-connaissance derrière laquelle repose l’Absolu.

Revenons à l’enfant : ignorance, connaissance, accumulation de concepts, rencontre du Guru. Le Guru lui dit « Débarrassez-vous des concepts, soyez vous-même ! » Donc il dit que lorsque vous êtes, c’est seulement Vous qui êtes. C’est la découverte initiale : il faut simplement demeurer dans la conscience d’être, sans mot. C’est une compréhension, une connaissance. Quand l’enfant a commencé à se connaître c’était également une compréhension, mais une compréhension d’ordre général, commune à tous. A présent cela devient de la spiritualité.

Le chercheur ayant compris ce que le Guru a dit, se débarrasse de ses concepts et à présent – première étape – il s’attache à « Je suis », uniquement à l’être.

La première des choses est la connaissance « Je suis », sans mot. Avec cette connaissance le monde est. Ensuite, quand le chercheur entre en méditation, la connaissance devient non-connaissance. C’est le plus haut état qui puisse être atteint en possession d’un corps parce que connaissance et non-connaissance sont deux aspects du corps. Le corps signifie conscience et dans la conscience coexistent connaissance et non-connaissance.

L’Absolu transcende connaissance et non-connaissance. La non-connaissance est donc ce qu’il y a de plus élevé dans la hiérarchie de la spiritualité, la destination étant la transcendance de la connaissance et de la non-connaissance.

V : Je croyais que la non-connaissance signifiait l’Absolu !

M : Connaissance et non-connaissance sont les expressions de la conscience corporelle. Lorsque l’instrument corps-de-nourriture conjoint à la conscience est totalement transcendé c’est l’Absolu.

La lumière est là, l’obscurité est là, mais quelle est la toile de fond, l’arrière-plan… ? L’espace ! L’espace est là, il n’est ni la lumière, ni l’obscurité mais cet espace est. Il vous faut transcender lumière et obscurité pour résider dans l’espace. De la même façon il faut transcender connaissance et non-connaissance, les deux aspects de la conscience corporelle. Si vous avez atteint cet état vous observez, à la fois, conscience et non-conscience. Cet état est appelé samadhi naturel ou sahaja samadhi.

C’est spontanément que vous atteignez cet état, mais l’instrument psychosomatique corps-conscience est toujours disponible. A l’instant où quelqu’un vient, l’instrument se met à fonctionner. Sitôt après vous retrouvez l’état Absolu.

On peut dire que c’est quelque chose comme ça : dans un hall immense il y a une porte et dans la porte un petit judas pour regarder à l’extérieur. Ce judas est la conscience ; vous l’utilisez, mais vous demeurez à l’intérieur !

Supposez que vous soyez dans un de ces satellites qui quittent la terre. Une fois dans l’espace vous aurez l’impression d’avoir échappé à la terre… mais ce n’est pas le cas, vous demeurez sous l’influence de son attraction. Il vous faut monter beaucoup plus haut dans l’espace, là où il n’y a plus aucune atmosphère ! Mais à quoi servirait d’aller là-haut ? cela ne se passe pas comme cela. Vous êtes véritablement l’Absolu et vous ne possédez que ces protections, ces couvertures inutiles.

Vous savez que vous êtes, puis vous oubliez que vous êtes. Cet oubli est non-connaissance, non-savoir, c’est l’état le plus haut. Vous ne pourrez jamais le décrire en mots, cet état n’est jamais capturé par les mots.

La compréhension est indispensable et il ne faut pas se tromper. Supposons que vous viviez dans l’état de non-connaissance. Vous ne devez pas vous prendre pour un Jnani simplement parce que cet état dispose de multiples pouvoirs.

Vous pouvez vous croire un Jnani, mais ce ne sera pas vrai, c’est un simple pas franchi. Ce stade est rempli de tentations. Quand vous êtes pure êtreté, qu’il n’y a plus de mots, alors vous êtes puissant. Mais il faut abandonner ces pouvoirs. Refusez de les posséder. 

 

Extrait de A la Source de la Conscience, Editions Les Deux Océans, 1991

lundi 6 avril 2009

Entretien du 10 mai 1981 (A la Source de la Conscience)

Maharaj : Ce que vous aimez le plus c’est ce « Je suis » lui-même, cette présence consciente, mais cela ne durera pas toujours !

Quand cette flamme s’éteint, a-t-elle enregistrée un profit ou une perte ? Que représente la flamme ?

Visiteur : La connaissance, la conscience…

M : Que va-t-il arriver à cette conscience ? Toute cette spiritualité existe uniquement pour le faire comprendre, pour le faire assimiler. Une fois éteinte, la flamme n’a plus rien à faire. De même comprenez bien ceci, une fois ce corps mort et la conscience éteinte vous n’avez plus besoin de rien faire. Possédant cette compréhension, faites ce que vous voudrez dans le monde.

Actuellement, vous êtes ligoté à cette identification au corps, c’est conceptuel. Mais la pensée même d’un profit ou d’une perte est annihilé lorsque la compréhension a lieu.

N’essayez pas de choisir, de décider « je dois faire ceci et pas cela ». Ne vous imposez rien, ne vous conditionnez pas par une certaine façon de vivre.

Une fourmi est sur vous, elle vous pique ; c’est ainsi que vous savez que la fourmi est là. C’est la même chose en ce qui concerne cette présence consciente « Je suis », sa perception est due à la présence du corps matériel.

Ayant bien compris cela, qui voudrait s’accrocher à cette vie matérielle ou la rejeter… ? La question ne peut pas se poser !

Si vous êtes imprégné de cette connaissance, malgré les multiples difficultés du monde aucun mal ne vous affectera.

Des propos aussi abruptes et énigmatiques, vous ne les trouverez pas ailleurs. Ailleurs on vous exposera certains concepts ayant surgis dans la conscience. Dans ces concepts d’autres concepts seront développés et vous vous égarerez ! Les concepts relevant de la conscience, quels qu’ils soient, sont sans réalité. Le monde écoutera-t-il de tels propos ?

Qu’est-ce que vous êtes ? Etes-vous ce principe « naissance », ce corps résultat des sécrétions de vos parents ? Celui qui reçoit en lui cette révélation est libéré de tous les problèmes de famille ou du monde.  

Extrait de A la Source de la Conscience, Editions Les Deux Océans, 1991

vendredi 3 avril 2009

Entretien du 31 mars 1981 (A la Source de la Conscience)

Maharaj : Quand il existe une claire compréhension de la nature et de la fonction de la conscience, cette compréhension n’a plus besoin de conscience, parce que cette compréhension devient ce qui connaît la conscience.

Visiteur : Est-il possible de ne plus fonctionner en tant qu’individu mais seulement en tant qu’ensemble de la manifestation ?

M : Je suis la manifestation. Je – Absolu, non-manifesté – suis le même « je » manifesté. La conscience est l’expression de l’Absolu, ils ne sont pas deux.

V : Si ma vie me procure bonheur et satisfaction, pourquoi devrais-je prendre la peine de rechercher ce que je suis ?

M : Cette conscience ne prendra aucun repos tant qu’elle n’aura pas trouvé la réponse. Cette conscience ne peut pas endurer sa propre existence, elle ne peut pas supporter sa propre conscience !

V : Elle veut retourner à sa vraie place et là se reposer ?

M : Je ne suis pas enclin à discuter avec des mots.

Vous venez ici avec constance, prêts à faire des efforts. Si c’est ce que vous voulez vous êtes les bienvenus. Mon enseignement est très simple : l’expérimentateur et l’expérience sont tous deux imaginaires !

Quand vous êtes jeunes vous aimez les activités des jeunes, vous les pratiquez, elles vous captivent. La jeunesse enfuie vous ne vous intéressez plus à ces occupations juvéniles. De la même façon, tant que vous endosserez ce concept « Je suis » vous resterez associé à tous ces concepts. Quand vous serez dépouillé du concept « Je suis », il n’y aura plus de mémoire, plus de « j’étais » et « j’avais » telle ou telle expérience, la mémoire même sera effacée. Avant d’être complètement éliminé, tant qu’il demeure encore quelques traces de vous-même, vous avez tout intérêt à quitter cet endroit.

Vous ne rencontrerez pas ailleurs un enseignement du même niveau et aussi détaillé. Cette dame a entassé un grand nombre de connaissances, elle en possède des rayonnages entiers, mais en temps voulu, non seulement elle oubliera tout ce qu’elle a emmagasiné mais elle s’oubliera elle-même. Elle oubliera qu’elle était ! 

 

Extrait de A la Source de la Conscience, Editions Les Deux Océans, 1991