samedi 13 février 2010

Derniers entretiens (7 et fin)


Samedi 8 août 1981 – Une jeune femme interrogea Maharaj sur l’importance et l’utilité de la répétition d’un Japa. Maharaj commença par préciser qu’il prendrait ce terme dans son sens de mot porteur d’un propos délibéré et qui serait « protecteur ». « En répétant en permanence un Japa ou un Mantra, qu’il s’agisse d’un mot unique ou d’une combinaison de mots, vous avez l’intention de « protéger » quelque chose. Et que veut-on protéger le plus ? Ce que l’on « aime » plus que tout. Qu’est-ce que l’on aime plus que tout ? Ce dont l’on a le plus « besoin » ; et de quoi a-t-on le plus besoin ? Une chose en l’absence de laquelle tout le reste perd son sens, sa valeur. Et cette « chose » en l’absence de laquelle vous ne pouvez rien connaître, vous ne pouvez jouir de rien, n’est-ce pas l’animus, le sens de la présence qui anime, la conscience ? Ce « besoin » on ne peut plus précieux, c’est la conscience, que vous voulez « protéger » à tout prix ; et la meilleure façon de protéger quelque chose, c’est de ne pas la quitter. N’est-ce pas ?

Ainsi, le principal objet de la répétition continuelle du Japa est de demeurer constamment un avec la conscience. Mais vous devez comprendre que cette « pratique » ne vous permettra d’atteindre votre « objectif » que pendant la période limitée durant laquelle vous répétez le Japa – tandis que l’aperception de votre vraie nature n’est absolument pas fondée sur le concept du temps ; l’aperception est intemporalité. »

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Dimanche 9 août 1981 – Cette même jeune femme désirait savoir si la pratique consistant à observer un « jour de silence » par semaine était bonne. Maharaj sourit et répondit que ce serait une excellente pratique si la signification du mot « silence » était clairement comprise. « J’ai entendu dire de certains Mahâtmâ et Guru, fort intéressés par la politique, qu’ils observaient des « jours de silence », durant lesquels ils ne parlaient pas mais communiquaient à l’aide d’un papier et d’un stylo. Je suis convaincu que cette pratique repose énormément leurs cordes vocales, mais cela mis à part, je doute qu’elle puisse engendrer tout autre bénéfice.

Ce que j’entends par « silence », c’est une absence totale de mots et de pensées. D’où vient le mot – avez-vous jamais pensé à cela ? Avant qu’un mot ne devienne un vocable émis oralement, il faut que ce soit une pensée : un mouvement dans la conscience et ainsi, la source du mot tout comme celle de la pensée est la conscience. Lorsque vous aurez compris ceci, vous comprendrez aussi que le silence parfait ne peut exister que dans l’absence de toute pensée – que lorsque cesse la pensée, et que la conceptualisation et l’objectivation sont également suspendues. Lorsque la conceptualisation cesse, l’identité, qui constitue la base de la conceptualisation, ne peut persister et dans cette absence d’identité il n’existe aucun attachement. »

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Mardi 18 août 1981 – Ce matin là, Maharaj était trop faible pour parler. Quelqu’un suggéra d’écouter l’un des enregistrements de ses entretiens, et il en fut d’accord. Au bout d’une vingtaine de minutes, il demanda à ce que l’on arrête la cassette. Il s’assit dans son lit avec difficulté, et murmura : « Pensez à ce que vous venez d’entendre – à ce que vous avez entendu et, infiniment plus important, à qui l’a entendu. »

Après ce bref message murmuré, les mots échappèrent au maître. Sa gorge s’étrangla. Il ferma les yeux, ses frêles ressources physiques aux prises avec une douleur atroce.

Ramesh Balsekar, Les Orients de l'être, Ed. du Relié

1 commentaire:

  1. « Pensez à ce que vous venez d’entendre – à ce que vous avez entendu et, infiniment plus important, à QUI l’a entendu. »
    Tout Maharaj reside dans cette phrase.
    Encore un grand merci stephane

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