lundi 5 novembre 2018

Entretien du 14 janvier 1980 (Graines de Conscience)


Maharaj : Avec ma hache, J'ai coupé les racines elles-mêmes, il n'est plus question de germination. Quel qu'ait été mon état avant la naissance, c'est lui mon état réel.
L'instant de votre naissance est également celui de votre première expérience du monde. Votre corps requiert beaucoup de soins, une alimentation spéciale. A quoi donnez-vous des soins ? A l'être, c'est lui que vous essayez de préserver. 

Visiteur : Ainsi ce qui précède l'être est devenu l'expérience consciente de Maharaj ?

M : Oui, ce qui précède l'être est l'état éternel, alors que l'être est lié au temps.

V : Maharaj le sait-il par expérience? Comment le sait-il ?

M : Parce que je suis avant toute chose. J’existe éternellement.
Paramatman, L'ABSOLU, sont les mots qui désignent mon état. Avant l'apparition de l'enfant, voilà ce qu'est mon état éternel. Dans cet état rien n'existe, en lui, je n'ai connaissance de rien.

V : Cela est vrai pour tout le monde. Certains le savent, d'autres non.

M : Dans cet état je ne suis en relation avec personne. Je suis - toujours - en dehors des mots. 

V : Comment acquiert-on la conscience ?

M : Quand vous « avalez » l'état d'être, ce qui reste est l'état de conscience. 

V : Dans une des Upanishads il en dit à peu près ceci : " Je suis seul, que seulement je sois multiple." Vous êtes-vous senti seul ?

M : Cette phrase se rapporte à l'apparition de l'être. Quand la vibration est née, elle n'était tout d'abord qu'être; ensuite elle a eu le sentiment "je suis seul" et voulut devenir multiple.
Je rejette les Upanishads et tous les enseignements profonds car ils ne me touchent pas. Les écrits philosophiques ne sont qu'ignorance. Les trois attributs sont débordants d'émotions, liés à l'émotion; ils ne sont pas la Vérité.
Je suis éternellemnt non obectif, non manifesté ; je suis éternellement dans cet état. C'est par le lien de l'illusion (Mâyâ Yoga), l'être, que toutes choses se produisent.
Ce qui exprime l'image est une sorte de produit chimique photographique ; ainsi l'être l'exprime dans le monde.

V : Celui qui fait l'expérience est un objet qu'on prend pour sujet, il n'y a pas d'expérimentateur. 

M : Parlez-vous en théorie ou est-ce de la pratique ?


V : De la pratique. J'ai cherché partout un "je" mais en vain. 

M : Cette ferme conviction l'avez-vous tout le temps ? 

V : Oui.

M: "Le mot "je" n'est pas là, mais la manifestation si. 

V : Maharaj a dit qu'il n'y a que le faux qui veuille se perpétuer. 

M : C'est exact. 

V : Je continue d'avoir le sens du "je".

M : "Le sens du "je suis" est toujours présent, c'est seulement quand il y a identification au corps qu’on le nomme ego.

V : Pourquoi suis-je venu chez Maharaj? Le sait-il ? 

M : Vous vouliez qu'on vous confirme que tout ce que vous dites est juste. Vous soutenez que ce que vous dites est juste. Ceux qui viennent ici supposent avoir une grande connaissance. Moi je sais qu'ils n'ont pas un iota de connaissance. C'est pourquoi je leur dis d'écouter d'abord les entretiens, ce qui lèvera en eux tous les doutes, spontanément, automatiquement.
Les gens arrivent avec un tas de bibelots, la maison en est pleine. Pour ma part, je suis en dehors d'eux. Je ne leur appartiens pas. Quelqu'un a apporté ce tapis-ci, qui lui a coûté quatre mille roupies; il n'est pas à moi, il ne fait que me servir. De la même manière, dans le royaume de l’être, je me sers de l’être, j’en fais l’expérience mais je ne suis pas l'être.
La Connaissance de l'être est apparue et elle disparaîtra.
Celui qui observe cette apparition et cette disparition de l'être, le fait sans le secours de l'œil physique et ce témoin est sans rapport avec le royaume du "je suis" ou l'être.
Le monde en sa totalité est le corps de l'être, le jeu de l'être. Prenez pour exemple l'écran de télévision où vous pouvez observer divers paysages. Que vous y voyiez des rochers, des forêts ou l'océan, ce n'est jamais que le jeu de la lumière. Le monde manifesté est de la même manière le jeu de l'être.
Qui, à l'écran, joue le rôle d'être humain, de rocher, de montagne et ainsi de suite ? La lumière uniquement.Une fois que vous aurez compris cela, quand vous entrerez dans la quiétude, vous comprendrez que de multiples univers s'amusent dans la cellule de l'être.
Pourquoi ai-je un si grand respect pour les étrangers ? A cause de leur sérieux; quand ils font une recherche, ils la poursuivent jusqu'au bout.

V : Tous les acharyas ne sont donc pas tous en Inde ?

M :Ils n’appartiennent ni à l'Europe ni à l'Inde. ils sont le produit du jeu des cinq éléments. 
Je ne m'occupe d'aucun miracle en dehors des trois qui sont en moi. Le premier est que j'ai la faculté de voir le monde. Le second est que le monde est contenu dans cette minuscule tache de conscience que je suis. Le troisième est l'apparition de l'être à partir du Non-être. Réfléchissez à ces miracles. 
« Tout ce qui est, est vous. »
Ce sont les mots qui m'ont été donnés par mon maître. Depuis ce jour-là, j'ai dirigé toutes mes recherches vers l'intérieur de moi-même.
Il est certain que moi, qui fait l'expérience du monde, je suis antérieur à celui-ci.
Quand j'aperçois une chose et dis que je la comprends, ce que je fus avant de revêtir ma forme actuelle doit être là pour me permettre de la comprendre.
S'il vous faut le nommer appelez-le Dieu, Ishvara - les noms importent peu.
Qui a donné ces noms?
Moi. 

Graines de Conscience, Editions Les Deux Océans, 1982


3 commentaires:

  1. Merci Stephane pour cette entretien,par l extraordinnaire enseignant qu est Nisargadatta Maharaj.Amicalement Thierry

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  2. Merci à toi pour ta présence sur ce blog. Amicalement Stéphane

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