jeudi 19 mars 2009

Entretien du 02 octobre 1980 (A la Source de la Conscience)

Visiteur : Je voudrais me débarrasser de cet ego et je voudrais savoir comment ?

Maharaj : Quelle est la dimension, la couleur de cet ego dont vous voulez vous débarrasser ? Qu’avez-vous compris concernant cet ego ?

V : Que c’est une fausse conviction de l’esprit.

M : Cette connaissance, ce constat « Je suis », n’est qu’une mince pincée entre mes doigts, mais l’ensemble des écritures, les seize sastras, les dix-huit puranas, et les quatre vedas ont crié, clamé sur tous les tons en s’efforçant de décrire ce Brahman. Toutes ces louanges sont dédiées à cette seule et minuscule pincée de « Je suis » ! A partir du moment où vous commencez à donner un aspect à cette connaissance « Je suis », vous perdez pied.

Ce petit socle soutenant les bâtons d’encens est en argent. Vous savez qu’il est en argent. Quel est l’aspect, la forme, la texture de ce savoir ? Si tout savoir, toute connaissance est sans forme est-il possible qu’il existe une structure, un aspect, une couleur pour « Je suis » ? Est-il possible de lui attribuer des fautes ou des mérites ?

Hors du temps, au sein de l’éther, cette trace de « Je suis » est absente.

V : N’est-il pas vrai que le Jnani distribue sa connaissance par pure compassion envers les ignorants ?

M : Dites ce que vous voulez, mais dans l’état de Jnani il n’existe plus rien de semblable. Je vous ai élevé au niveau où vous découvrez être l’illumination de toutes choses, l’amour de l’être également est là. Pourquoi posez-vous une telle question alors que je vous ai emmené si haut ?…

Comment parvenez-vous à savoir quelque chose ?

V : Grâce à l’intellect.

M : Non. La conscience, la connaissance reconnaît l’intellect, mais l’intellect ne peut pas reconnaître la conscience.

Vous êtes écrasé de sommeil puis vous vous réveillez.

Qui le constate, qui le reconnaît ? Avant le mouvement de l’intellect le principe de connaissance est présent. Avant la connaissance il faut bien qu’il y ait le principe initial qui connaît la conscience !

Celui qui entre dans la spiritualité est semblable à de l’eau froide posée sur le fourneau. Quand la flamme est allumée des bulles commencent à monter et le moment venu l’eau se met à bouillir. Ce stade d’ébullition ressemble au sadhaka pénétrant la classe supérieure de spiritualité, au point d’ébullition il aime parler et poser des tas de questions. Quand le feu devient plus profond l’ébullition cesse, l’eau frémit, c’est alors le stade où l’on acquiert la connaissance de la spiritualité.

Après avoir assisté à ces entretiens serez-vous à même de vous abandonnez à la quiétude ? J’ai quelques doutes à ce sujet parce que vous persistez à vouloir faire plaisir à cet enfant gâté, l’intellect. Si vous avez réellement compris ce que je vous ai dit, plaire ou non à votre intellect a-t-il vraiment de l’importance ?

Je vous ai dit qu’actuellement vous êtes semblable à cette chaleur dans le corps. A quoi correspond le Parabrahman ?

Le Parabrahman ne fait pas l’expérience de cette chaleur « Je suis ». Si vous comprenez, cette énigme sera pour vous résolue.

Si après avoir compris cela, quelqu’un devient un Jnani ce principe de conscience et ce corps demeureront disponibles, ils resteront également associés au domaine des émotions.

Un tel Jnani donnera libre cours aux pleurs et il pourra se laisser distraire par les événements qui se présenteront. Il ne cherchera nullement à supprimer les émotions susceptibles de se manifester spontanément au sein de la conscience ou du corps. Habituellement on suppose qu’un Jnani devrait annihiler toutes les manifestations émotives, c’est faux. Votre point d’appui étant l’Absolu vous n’êtes nullement concerné par les émotions et les transports instinctifs de l’appareil physiologique.

Un Jnani ne participe pas aux événements par un acte de volition, cela se produit tout seul, spontanément. Tandis qu’une personne ignorante est profondément engagée et identifiée à ce qui se produit, considérant tout cela comme réel. Pour le Jnani la chaleur est irréelle, donc tout ce qui peut se produire au royaume de la chaleur est également irréel. Pour un Jnani toute dévotion, goût, dégoût, amour, est dissous, mais tout ce qu’il fait est pour les autres. 

 

Extrait de A la Source de la Conscience, Editions Les Deux Océans, 1991

lundi 16 mars 2009

Entretien du 28 septembre 1980 (A la Source de la Conscience)

Visiteur : Pourquoi ce « Je suis » éprouve-t-il une telle attraction pour le corps ?

Maharaj : Quand il s’exprime en tant que « Je suis » il est déjà chargé de cet amour de l’existence. Pourquoi l’instinct de conservation existe-t-il chez l’insecte, le ver, l’animal ou l’être humain ? A cause de ce « Je suis » associé à la germination de la force vitale. « Je suis » est en lui-même vie instinctive, amour de la vie. Cet amour de l’être, ce besoin d’exister, est la force primordiale motivant toutes les activités de la vie.

Lorsque vous êtes la conscience manifestée vous découvrez que vous seul êtes la multiplicité ; vous vous exprimez, Vous, au sein de ce vaste, ample, univers manifesté. Cet état sera lui-même transcendé et vous vous tiendrez dans le nirguna, état sans attribut. Mais tout cela n’est que l’expression de vous-même, n’est que vous en tant que « Je ».

Ce dont je parle maintenant est plus subtil, plus profond et plus difficile à comprendre, mais une fois compris le travail est fait. La conscience est ce qui permet de connaître.

Actuellement la conscience se connaît en tant que corps et sens ; il ne devrait pas en être ainsi. La conscience devrait connaître la conscience débarrassée du sensoriel.

Comprenez rationnellement ce que je vous ai dit tant de fois. Ce « Je suis » est un produit de la nourriture que je mange. Suis-je la nourriture ? Non, bien sûr. Suis-je le résidu de la nourriture ? Je ne le suis pas non plus… Vous suivez ce raisonnement mais vous demeurez prisonnier de cette intimité que vous avez avec le corps et les sens, vous êtes piégés !

Ce « Je suis » n’a aucune autorité, aucune indépendance, il est une marionnette dans la tragi-comédie des cinq éléments.

Celui qui affirme « Je n’étais pas » a une position sûre, stable, éternelle.

Rien de ce que vous constatez, rien dont vous pouvez être témoin ne restera avec vous, c’est de l’imperfection. Celui qui reconnaît l’imperfection, celui-là est parfait. Il est total. Il n’a rien besoin de faire pour Lui-même parce qu’il est parfait et complet.

Pourquoi le Parabrahman se permet-il ce luxe de souffrance du monde manifesté ? Parce que pour le Parabrahman cela n’existe pas ! 

 

Extrait de A la Source de la Conscience, Editions Les Deux Océans, 1991

vendredi 13 mars 2009

Entretien du 15 septembre 1980 (A la Source de la Conscience)

Visiteur : En méditant, quand je cherche à me stabiliser au-delà des pensées, je rencontre les ténèbres, le vide, l’absence. Je n’aime pas cet état.

Maharaj : Ne voyez-vous pas ce qu’il se passe ?... Vous êtes toujours là ! Avant de vous stabiliser dans le Soi il subsiste encore des traces d’intellect.

Cette machine est auto-propulsive. Quand vous approfondissez cela, son élan vous aide à chasser tous les doutes de votre esprit. C’est essentiellement la connaissance de vous-même que vous savourez ; tous les restes de mémoire, pensées, sont alors complètement arrachées, comme des mauvaises herbes.

C’est le stade « Vous êtes – vous n’êtes pas », la frontière. A partir du moment où vous savez que vous êtes, c’est la dualité. Quand vous ne savez pas que vous êtes, tout est parfait. Mais il faut suivre l’ensemble du processus. Dans le sommeil profond vous ne savez pas non plus que vous êtes, mais il s’agit d’un état grossier. Dans l’état de veille il vous faut reculer, remonter jusqu’à cet état vide de tout connu.

La connaissance, qu’est-ce que c’est ? C’est le cachet officialisant la réservation « Je suis ». Vous réservez un appartement en construction, mais où est l’appartement ? Vous ne l’avez pas, vous avez seulement la réservation… Pour « Je suis » c’est la même chose, il n’est qu’une réservation de votre état Absolu.

V : Qu’est-ce qui donne le courage de se transcender dans le vide que l’on sait être là ?

M : Le besoin profond de comprendre ce que l’on est, de se comprendre Soi-même. Remonter veut seulement dire « rentrer à l’intérieur ». Votre tendance habituelle est de sortir de vous au travers des cinq sens pour regarder le monde. Renversez ce mouvement à présent : « je ne suis pas le corps, je ne suis pas l’intellect et les pensées, je ne suis pas les sens ». Arrivé là vous êtes stabilisé dans la conscience. Une fois stabilisé dans la seule conscience tout autre événement se produit automatiquement. Stabilisé, vous vous répandez dans la manifestation : « J’étais, je suis, je serai dans cet état originel antérieur à l’apparition du sentiment « Je suis ».

Pourquoi le terrible nom de cette maladie qui affecte mon corps n’a-t-il aucun effet sur moi ? Ce que Je suis n’a rien à voir avec ce qui est là baptisé d’un nom de maladie… voilà pourquoi !

V : Que pense Maharaj des différentes religions ?

M : En ce qui me concerne toutes les religions sont basées sur concepts et émotions. Ces émotions sont si puissantes, si envahissantes que l’on s’immole volontiers pour elles.

S’unir totalement à une autre personnalité peut, émotionnellement, être tellement intense que ceux qui s’identifient à Jésus-Christ portent sur le corps les traces de la crucifixion ! Toutes ces expériences sont totalement inutiles. Un individu s’est identifié à un autre individu ! Or tant que l’individualité persiste, il est impossible à la Réalité  de se révéler.

Ne répétez pas ce que vous avez entendu comme des perroquets, à moins d’avoir la même conviction que moi. Je connais mon état avant l’apparition du corps et de la conscience. J’en ai la connaissance, j’en suis pleinement averti ! Ecouter simplement ces paroles ne suffit pas, il vous faut être un avec la conscience. Ne considérez pas cette connaissance « Je suis » comme secondaire, elle est la force dynamique de l’univers entier.

Les expressions de la conscience sont sans limites, si vous vous laissez entraîner dans ces expressions vous vous égarez. Abandonnez-vous et devenez un avec votre conscience, donnez-vous à elle. Elle seule est à même de vous révéler le processus conduisant à sa propre dissolution. 

 

Extrait de A la Source de la Conscience, Editions Les Deux Océans, 1991